Sesi Technologies offre aux agriculteurs africains des technologies abordables pour les aider à accroître leur productivité et réduire leurs pertes. Entretien avec son cofondateur, Isaac Sesi.
Sesi Technologies a vu le jour dans le cadre d’un projet de recherche à l’Université des sciences et technologies Kwame Nkrumah, au Ghana. Isaac Sesi, ingénieur électricien, a été recruté pour aider la nouvelle équipe à développer un hygromètre pour céréales à bas coût, appelé GrainMate. Il a ensuite réalisé que cet appareil pouvait être commercialisé.
En tant qu’entrepreneur, quel est le principal enseignement que vous souhaitez partager avec les aspirants entrepreneurs ?
Je conseillerais surtout aux jeunes de se concentrer sur un objectif précis, de s’y tenir et d’être persévérants, car le succès ne se construit pas en un jour. Aujourd’hui, les jeunes semblent pressés et, s’ils n’obtiennent pas de résultats rapidement, ils passent à autre chose. À une époque, je dirigeais trois entreprises en même temps et je me sentais vraiment épuisé ; je m’éparpillais. Je devais me partager entre ces trois sociétés et la croissance se faisait attendre. J’ai donc décidé de me concentrer uniquement sur Sesi Technologies, car j’avais l’impression de disposer des compétences appropriées et d’avoir la motivation nécessaire pour la rendre économiquement viable.
Un rapport de 2018 du Forum économique mondial sur les inégalités entre les sexes souligne que seulement 22 % des professionnels de l’intelligence artificielle (IA) sont des femmes. Que faut-il changer pour réduire cet écart ?
Tout commence à l’école. L’apprentissage des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) ainsi que de l’IA devrait faire partie des programmes scolaires et les jeunes filles devraient être encouragées et incitées à choisir ces filières. Une fois qu’elles commenceront à s’intéresser aux disciplines STEM et à réaliser le potentiel de l’IA, et qu’elles prendront conscience de la différence qu’elles peuvent faire dans leur communauté en travaillant dans ces secteurs, la décision de se lancer dans l’IA suivra naturellement.
Ma passion pour les STEM m’a amené à cofonder la Nsesa Foundation, une organisation sans but lucratif qui entend susciter une révolution de l’innovation en Afrique et encourager les jeunes Africains à relever les défis à l’aide des sciences et de la technologie. Depuis 2013, nos programmes ont formé des centaines d’étudiants et atteint plus de 300 000 personnes à travers le monde.
Vous avez récemment été l’un des deux lauréats du prix GoGettaz Agripreneur du secteur agroalimentaire. Selon vous, pourquoi votre innovation a-t-elle enthousiasmé le jury ?
La concurrence était rude, mais je pense que le jury a été séduit par notre promesse d’utiliser la technologie pour éliminer la pauvreté et la faim, car l’alimentation est un enjeu majeur. Nous explorons des business models innovants pour rendre la technologie accessible aux petits exploitants, à un prix abordable, par exemple en leur permettant d’acquérir l’humidimètre GrainMate contre des céréales, plutôt que de payer en espèces. Nous sommes aussi en train de lancer une fabrique locale qui crée des emplois pour les jeunes et les femmes.
Le CTA organise un concours similaire, le Pitch AgriHack, ouvert aux jeunes entrepreneurs. Quelle est, selon vous, l’importance de ces compétitions, y compris pour ceux qui ne décrochent pas la récompense ?
Le prix en argent ne représente qu’une petite partie des bénéfices potentiels pour les participants. En effet, beaucoup offrent aussi des formations et des services de mentorat, et essaient de connecter les finalistes à un réseau de contacts qui peuvent les aider. Mais l’importance de ces aspects ne peut être quantifiée et, si on la prend au sérieux, dépasse largement le prix en espèces que l’on peut espérer remporter. Pour nous, par exemple, la publicité générée par l’événement s’est traduite par de nouveaux clients. Je conseillerais donc aux participants de ne pas se focaliser uniquement sur les prix, mais de saisir toutes les opportunités offertes par ces concours.
Vous faites partie d’un nouveau groupe de jeunes Africains innovants qui stimulent la transformation de l’agriculture africaine. Néanmoins, votre génération est confrontée à de nombreux défis urgents. Comment cela affecte-t-il votre vision de l’avenir ?
J’ai l’impression que les enjeux auxquels nous sommes confrontés nous offrent une chance de faire la différence et d’accélérer le changement, et je trouve cela passionnant. Lorsqu’on essaie d’innover en Afrique, on se heurte à de nombreux obstacles et difficultés, mais ceux-ci obligeront les jeunes à réfléchir à la façon dont nous construisons des choses, élaborons des solutions et développons la résilience de ces solutions dès le départ. On nous apprend à progresser, quels que soient les défis, ce qui nous donne confiance dans notre capacité à vaincre les obstacles. Nous savons qu’en tant qu’Africains nous sommes en mesure de créer des solutions pour les surmonter. Cela demande plus de travail, mais c’est tellement moins amusant quand tout se fait facilement !