Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Des “registres distribués” pour une meilleure confidentialité des données

Opinion

 

La multiplication des appareils mobiles dans le monde accroît les possibilités de communiquer et de recueillir des informations et des données auprès du plus grand nombre. Parallèlement à cette évolution, la Banque mondiale signale une diminution des terres disponibles pour les cultures en rotation, associée à des restrictions toujours plus importantes concernant l’utilisation des produits chimiques phytosanitaires, et la nécessité de plus en plus fondamentale d’une production durable. Ces exigences ouvrent de réelles opportunités pour le développement de logiciels de gestion agricole, au service de

l’“agriculture intelligente”. Selon Mondor Intelligence, une société d’études de marché, le sous-secteur de l’agriculture intelligente devrait représenter 17,2 % du taux de croissance annuel moyen entre 2019 et 2024.

Les nouveaux développements dans le domaine de l’agriculture numérique et de l’agriculture intelligente peuvent donc être considérés comme une évolution positive, d’autant que ces solutions favorisent les interactions directes avec les agriculteurs et suppriment les intermédiaires inutiles, comme les coopératives. Cependant, la suppression du traditionnel “élément humain” signe également la disparition des “gardiens”, qui géraient jusqu’ici les relations des petits producteurs avec les acteurs extérieurs.

En outre, de nombreuses solutions d’agriculture intelligente s’adressent à des communautés situées dans des pays où les modèles politiques et de gouvernance ne sont pas encore très développés et où les fuites de données ne sont pas sanctionnées ou poursuivies. Les procédures de recueil des données auprès des communautés agricoles de ces pays ne tiennent pas compte de la nécessité de protéger l’identité des propriétaires de ces données et, au nom des efforts de développement, les données recueillies peuvent donc inclure des données à caractère personnel, qui se retrouvent dès lors intégrées dans des bases de données non sécurisées. Lorsqu’on sait que quelques-unes des plus grandes entreprises internationales, comme Marriott et Capital One, ont été piratées ces derniers mois, on peut raisonnablement s’inquiéter du fait que les entreprises qui recueillent des données auprès des agriculteurs ne prennent pas toujours les mesures nécessaires pour protéger les données à caractère personnel.

Les nouveaux registres distribués pourraient cependant atténuer les craintes concernant la confidentialité des données et le risque que celles-ci soient utilisées de manière illicite. Dans sa forme la plus simple, un registre distribué est une base de données décentralisée, gérée et mise à jour indépendamment par chaque participant (ou “nœud”) d’un vaste réseau. Une série de solutions de type registre distribué s’attachent ainsi à assurer la sécurité et la protection des données afin de garantir une plus grande égalité de traitement à tous les participants de la chaîne de valeur – les informations n’étant accessibles qu’aux personnes qui prennent part à des transactions déterminées. Ainsi, les données relatives aux rendements agricoles et au potentiel de rendement ne sont partagées que pour soutenir la production et ne sont pas divulguées de façon à pouvoir être utilisées pour manipuler les prix.

L’entreprise sociale AgriLedger teste actuellement, à l’échelle pilote, une solution de type registre distribué dans la filière des fruits frais en Haïti. Ce projet, soutenu par la Banque mondiale, utilise la technologie des registres distribués, la blockchain, l’intelligence artificielle et les principes du machine learning pour concevoir une série complète d’outils puissants qui intégreront les contributions et les idées de tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire, et les mettre à la disposition de tous les participants de l’écosystème. Il entend aider les petits producteurs haïtiens à conserver la propriété de leur production tout au long de la chaîne de valeur, jusqu’à la vente de leurs produits à l’acheteur final. Le système suit à la trace toutes les transactions financières, ce qui permet aux agriculteurs de recevoir leur paiement par voie électronique. Dans la mesure où peu d’exploitants haïtiens ont un compte bancaire, cette initiative pourrait développer les échanges financiers électroniques dans tous les secteurs de l’économie du pays, ce qui sécurisera davantage les transactions bancaires.