Cultures océaniques
L’utilisation de filets tubulaires pour la culture des algues marines permet aux agricultrices de l’île tanzanienne de cultiver des variétés d’algues à haute valeur ajoutée. Elles ont aussi appris à fabriquer des produits innovants destinés aux secteurs de l’alimentation et de la cosmétique.
À Zanzibar, des filets de pêche ordinaires sont recyclés en une structure cylindrique sans air – appelée “filet tubulaire”– que l’on utilise pour cultiver des algues en eau profonde. Ces filets sont remplis de jeunes algues, qui grandissent et se multiplient sur toute la longueur des filets plantés à une profondeur de 2 à 6 mètres. Plus respectueuse de l’environnement que les méthodes traditionnelles d’algoculture, cette technique permet aux agricultrices de produire des variétés d’algues de haute qualité en vue de leur transformation ultérieure.
Avec des revenus de quelque deux millions d’euros par an, les algues sont le troisième plus grand secteur économique de Zanzibar après le tourisme et le clou de girofle. Il y a quinze à vingt ans, sur l’île tanzanienne, des femmes spécialisées en algoculture ont planté les variétés d’algues Eucheumacottonii et E.spinosum dans les eaux peu profondes au large des côtes mais, en raison du changement climatique, les températures des eaux de surface sont passées de 31 à 38 °C. Cette évolution a eu un impact considérable sur la production d’algues, qui a chuté de 94 % entre 2001 et 2015, passant de 1 048 tonnes à 58,4 tonnes.
Devant les quantités massives d’algues mourant avant d’avoir pu se développer, les agricultrices ont dû renoncer à la méthode traditionnelle de la ligne flottante, qui consiste à tendre entre deux piquets en bois des cordes en nylon couvertes d’algues. “La culture traditionnelle des algues avec piquets et cordes est devenue de moins en moins rentable”, déplore Flower Msuya, chercheuse principale à l’Institut des sciences marines de l’Université de Dar es Salam. “J’ai adapté les filets tubulaires afin d’aider les femmes à continuer leur production d’algues de grande valeur dans des eaux plus profondes”, explique-t-elle.De plus, la nouvelle méthode perturbe moins la vie marine et les habitats coralliens car les agricultrices ne piétinent plus le fond marin pour planter les piquets. Elles utilisent maintenant des bateaux pour arriver aux zones d’eaux plus profondes, où elles placent les filets, ajoute Flower Msuya.
L’initiative des filets tubulaires a été menée à travers le projet Sea PoWer en avril 2017 et s’est concrétisée par la formation de 35 femmes à leur utilisation. Celles-ci ont également appris à placer des paniers à piège dans leurs fermes d’algoculture afin d’attraper des poissons tels que sigans, poissons disques, perroquets vieillards et anguilles, destinés à la consommation ou à la vente. “Je voulais trouver une méthode plus efficace qui permettrait aux femmes de poursuivre la culture des algues marines de qualité tout en assurant leurs revenus”, explique Flower Msuya. “Dans les conditions optimales, une bonne récolte peut rapporter entre 300 et 600 USD [de 255 à 510 €]”, précise le Dr Betty Nyonje, du projet Sea PoWer.
En 2006, Flower Msuya a aussi mis sur pied la Zanzibar Seaweed Cluster Initiative (ZaSCI – Initiative de groupes d’algoculture de Zanzibar), un réseau d’universitaires, de représentants du gouvernement et d’agriculteurs qui se sont engagés à améliorer l’algoculture et à renforcer l’adaptation climatique sur l’île. Un groupe de 21 femmes de Kidoti, à Zanzibar, a été le premier à recevoir la formation de la ZaSCl relative à la production de poudre d’algue entrant dans la composition de savons et de crèmes pour le corps. Sur l’île, il existe à l’heure actuelle huit groupes de femmes formées à la culture et à la vente d’algues. Grâce à une formation complémentaire en valeur ajoutée, dispensée par la ZaSCl en 2008-2009, plus de 300 productrices, travaillant en groupe ou à titre individuel, fabriquent désormais plus d’une cinquantaine de produits à base d’algues, notamment des jus, des confitures et des huiles de massage. L’une de ces productrices, Mwajuma Mwinyi, explique qu’avant d’avoir appris de nouvelles compétences grâce à ce programme de clusters elle vendait 1 kg d’algues pour 400 TSh (0,15 €) mais qu’à présent elle gagne jusqu’à 30 000 TSh (11,30 €) en vendant du savon fabriqué avec la même quantité d’algues marines.