Entreprise sociale
Créée par Agnes Atim Apea, l’entreprise sociale “Hope Development Initiative” aide des femmes pauvres à gagner leur indépendance financière à travers la production de riz.
En 2012, en retournant dans sa région d’origine, dans le nord de l’Ouganda, Agnes “Mama Rice”Apea a été frappée par l’extrême pauvreté des femmes dans le district d’Amolatar. Victimes de conflits et de déplacements, beaucoup semblaient être incapables d’améliorer leurs moyens de subsistance. Pour les aider, Agnes Apea a innové : elle a introduit la culture du riz dans ce district.
L’entreprise sociale Hope Development Initiative (HDI) a ainsi été lancée en 2012 autour de vingt femmes, recrutées pour faire pousser du riz de montagne. Depuis, plus de 11 000 agricultrices de cinq districts du nord du pays ont bénéficié d’un soutien pour cultiver, transformer et vendre du riz sous la marque “Mama Rice”. “Il existe un marché pour le riz”, explique Agnes Apea. “C’est un aliment nourrissant et facile à préparer, ce qui en fait une culture de choix pour les femmes.”
À travers son modèle de coopérative, HDI fournit des intrants, des facilités de crédit et des services de mécanisation aux agricultrices. Elle les forme à la culture du riz en adoptant de bonnes pratiques agronomiques. Les membres paient des frais d’inscription annuels de 4 800 shillings ougandais (1,11 €) et peuvent acheter des parts de l’entreprise HDI au prix de 9 635 UGX (2,23 €). À la fin de la saison, HDI leur achète le riz au prix du marché. Ces agricultrices produisent jusqu’à 1 000 kg de riz par saison et gagnent environ 3 400 UGX/kg (0,79 €/kg). Le riz est ensuite blanchi, emballé et vendu à des grossistes en Ouganda – ou exporté vers le Kenya et le Soudan du Sud – au prix de 3 850 UGX/kg (0,89 €/kg).
“Je suis devenue ‘Mama Rice’ parce que le riz n’était pas cultivé dans cette région, mais les choses ont changé”, s’enthousiasme Agnes Apea. “Au cours des six derniers mois, nous avons distribué 500 tonnes de semences à crédit et ouvert plus de 2 000 hectares de terres pour la culture du riz.”Les agricultrices produisent également leurs propres semences de riz dans la ferme de 100 hectares de HDI, au lieu de dépendre de semences achetées ailleurs. Elles devraient ainsi produire 2 000 tonnes de riz en 2018, contre 1 500 tonnes en 2017.
Une fois que les femmes ont commencé à produire du riz en 2013, HDI a ouvert, à Amolatar, une usine de transformation capable de blanchir 3 tonnes de riz par jour. Cette usine a favorisé le développement dans la région : le gouvernement a mis en place des services d’électricité et de transport en 2014 et 2015. Par ailleurs, les femmes de la région ayant désormais des revenus stables et garantis, PostBank a ouvert sa première filiale dans ce district en 2015.
Sur sa parcelle de 1,2 hectare située à Amolatar, Agnes Adio, 32 ans et membre de HDI, fait pousser 4 500 kg de riz paddy. Après la saison 2017/2018, l’agricultrice a vendu son riz blanchi à HDI pour 49 300 UGX (1 141 €), qui lui ont servi à construire une nouvelle maison en briques et payer les frais de scolarité de ses enfants. “J’ai hâte de quitter ma maison en chaume pour habiter dans ma nouvelle maison permanente”, dit-elle. “La riziculture est une activité rentable, qui m’a aidée à prendre soin de ma famille.”
Le travail d’Agnes Apea a été salué par le gouvernement ougandais, le monde des affaires et Rotary International pour sa défense de la justice sociale et de l’équité en matière de genre. En 2017, Agnes Apea a figuré dans la liste des 100 femmes les plus influentes et innovantes du monde établie par la BBC. “Le principal impact de notre initiative, c’est l’émancipation des femmes”, souligne l’entrepreneuse. “Passer de revenus inexistants à des revenus moyens de 36 800 UGX (851 €) par saison change le cours d’une vie. C’est cela l’émancipation. Et c’est grâce à cette entreprise de riz.”
En plus d’offrir une source de revenus aux agricultrices, et afin de permettre aux bénéficiaires d’acheter un terrain et de créer leur propre agrobusiness, HDI a mis en place un programme de crédit à hauteur d’environ 1,5 milliard UGX (340 000 €) pour aider les femmes qui ont du mal à obtenir un prêt faute de garanties ou de garanties suffisantes. Certaines ont ainsi obtenu des prêts d’un montant moyen de 970 000 UGX (225 €), payables sur une période d’un an. “Beaucoup de femmes ont ainsi pu acheter du matériel agricole, des maisons, des terres, et envoyer leurs enfants à l’école et à l’université. Elles œuvrent à la création d’un avenir sûr sur le plan alimentaire et financier”, se félicite Agnes Apea.
En janvier 2019, HDI prévoit de recruter 100 femmes afin qu’elles ouvrent leurs propres magasins partout en Ouganda et deviennent des distributrices directes de Mama Rice. Cela contribuera à éviter les intermédiaires et à accroître ainsi les marges des vendeuses.