Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

L’importance des données pour les agriculteurs et le marché

Dossier

 

Entretien avec John Corbett

John Corbett, de l’entreprise d’information agricole aWhere, explique combien il importe de veiller à ce que tous les acteurs des chaînes de valeur agricoles soient tenus informés des données agricoles et météorologiques les plus récentes.

Comment faut-il exploiter les technologies pour aider l’agriculture à s’adapter aux impacts du changement climatique, en particulier dans les pays en développement les plus vulnérables ?

Tout commence avec l’agriculteur. Des petits exploitants aux producteurs commerciaux, tous doivent fondamentalement être formés et sensibilisés à l’utilisation des services d’information. Lorsque les agriculteurs comprendront comment la “science agricole” améliorera leurs profits, ils tireront parti des technologies pour résoudre réellement leurs problèmes. L’accroissement de la variabilité climatique, associé au réchauffement de l’atmosphère, pose déjà de sérieux défis à l’agriculture. Des températures déphasées par rapport aux besoins jusqu’aux précipitations très variables et souvent trop intenses, le changement climatique est avant tout un changement météorologique pour les agriculteurs. Il faut renforcer la chaîne de valeur agricole afin que les agriculteurs puissent disposer des intrants nécessaires au moment où ils en ont besoin, mais aussi pour informer les marchés de la disponibilité des produits avec des précisions sur le lieu et la date de leur récolte. Seule une information améliorée peut atténuer l’impact des variations météorologiques dans l’ensemble de la chaîne de valeur agricole.

Les assurances indexées sont de plus en plus utilisées pour renforcer la résilience de l’agriculture face au changement climatique. Quels sont les défis et opportunités de ces programmes d’assurance agricole axés sur les données ?

Je pense qu’il y a deux obstacles majeurs à l’utilisation efficace et durable des programmes d’assurances indexées. En premier lieu, le client (cultivateur ou éleveur) doit comprendre et être convaincu que les données utilisées par l’assureur reflètent équitablement les risques et coûts. C’est un problème majeur de communication et d’éducation. Deuxièmement, l’assureur est confronté à la tâche quasi impossible de calculer ce risque parce que le réchauffement de l’atmosphère entraîne une variabilité climatique qui s’est révélée beaucoup plus percutante dans le passé proche (à peu près ces cinq dernières années) qu’au cours du passé “statistique” (ces derniers 30 ans). Ma crainte est que les assureurs soient beaucoup plus exposés à des pertes qu’ils ne le pensent parce que la fréquence des impacts météorologiques sur l’agriculture semble certainement beaucoup plus élevée maintenant qu’il y a seulement dix ans. Ces pertes poseront problème lorsque les assureurs ne généreront pas suffisamment de bénéfices pour assurer leur durabilité. Néanmoins, cette assurance pourrait constituer un modèle commercialement viable si elle était regroupée de manière cohérente avec d’autres services financiers, tels que des crédits et des services d’information, pour équilibrer risques et coûts. La difficulté consiste à bien estimer toute l’étendue des risques.

aWhere est partenaire du projet de services d’information ICT4Ag axés sur le marché et appartenant aux utilisateurs (MUIIS) du CTA. Comment peut-on garantir l’autosuffisance de ce projet et s’assurer que les acteurs du secteur privé, comme aWhere, continueront de le soutenir ?

La clé de la durabilité des services d’information est de résoudre un problème et d’offrir simultanément des services utiles. Le MUIIS œuvre à fournir une solution pour réduire les risques dans l’agriculture en proposant aux petits agriculteurs des services intégrés d’alertes météorologiques, de conseils agronomiques et d’assurance récolte. Dans un tel contexte, éduquer un marché – une étape longue et coûteuse – est un processus indispensable et continu. Le succès de ce projet repose sur un service clair qui soutienne la clientèle et sur une commercialisation intelligente et transparente de la valeur du service afin de parer aux risques de la production agricole. Si tout cela est bien fait, les agriculteurs seront à l’avenir davantage conscients des avantages de l’assurance et le coût du gain de parts de marché pourra diminuer dans les projets ultérieurs. aWhere a hâte de s’impliquer dans cette initiative.

De nombreuses déficiences existent dans l’accessibilité et la qualité des données agricoles. Quels sont les principaux obstacles à la diffusion de techniques efficaces de collecte des données dans les zones éloignées et comment peuvent-ils être surmontés ?

Pour toutes les techniques de collecte et diffusion des données et informations dans les zones éloignées, il faut appréhender les chaînes de valeur agricoles avec une solution globale qui s’adresse à tous les principaux acteurs d’une chaîne de valeur spécifique. Autrement dit, c’est très bien de fournir aux agriculteurs des informations sur la production – cela améliorera leurs rendements et profits – mais cette approche ne sera pas durable si les fournisseurs d’intrants et les marchés ne reçoivent pas les mêmes données agrégées. C’est tout le problème de l’information symétrique. Par exemple, il est possible grâce à la science appliquée d’augmenter les rendements du manioc de 10 ou 11 tonnes à l’hectare à près de 30 tonnes, mais il doit y avoir un marché pour que cette production augmentée devienne durable, faute de quoi la récolte pourrira ! Les marchés et les responsables des chaînes d’approvisionnement, comme les fournisseurs d’intrants, doivent savoir comment la production évolue dans les exploitations afin de pouvoir répondre aux besoins des agriculteurs. Il faut donc renforcer les chaînes de valeur de concert – sinon elles se briseront !