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La Jamaïque et Sainte-Lucie, des assurances innovantes pour minimiser les risques climatiques

Agriculture intelligente

Reportage

Deux produits d’assurance, conçus dans le cadre du projet Climate Risk Adaptation and Insurance in the Caribbean, offrent une sécurité financière face au changement climatique.

Au cours des trente dernières années, 1,5 million de personnes ont été touchées par les inondations et les tempêtes tropicales au Belize, à Grenade, à la Jamaïque et à Sainte-Lucie. On estime les dommages à plus de 4,23 milliards d’euros. Ces événements météorologiques extrêmes augmentent en fréquence et intensité, mais les habitants des Caraïbes bénéficient depuis 2011 d’une initiative innovante d’assurance pour les aider à se protéger de leurs impacts dévastateurs.

Véritable menace pour le développement, les pertes et dommages liés au changement climatique accentuent la pauvreté : plus vulnérables, les populations pauvres ont une faible capacité d’adaptation parce qu’elles ont moins de ressources pour faire face au risque climatique. Ces ressources sont mises à mal par les événements climatiques extrêmes, ce qui aggrave d’autant leur pauvreté. Un cercle vicieux dont l’assurance contre le risque climatique aide à sortir en compensant les dommages causés par les événements météorologiques extrêmes.

Deux produits pour stimuler la croissance

Le projet Climate Risk Adaptation and Insurance in the Caribbean (Assurance et adaptation au risque climatique dans les Caraïbes), lancé en 2011 par l’Initiative de Munich sur l’assurance climatique (MCII), cible les personnes à faibles revenus exposées à des risques liés à la météorologie. Financé à hauteur de 4,6 millions d’euros, dans le cadre de l’Initiative internationale pour le climat, par le ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature, de la Construction et de la Sûreté nucléaire, le projet a permis la création de deux produits d’assurance contre les risques climatiques : l’un pour la protection des moyens d’existence (LPP), à portée individuelle, et l’autre pour la couverture des portefeuilles de prêts (LPC), destiné aux institutions financières.

La LPP est une police d’assurance paramétrique basée sur un indice climatique, qui garantit le versement rapide d’indemnités aux assurés lorsque certains seuils sont dépassés pour les vents et/ou les précipitations. Ceci aide les personnes vulnérables à reconstruire leurs vies au lendemain des catastrophes naturelles. En outre, la couverture d’assurance réduit le risque de crédit des assurés, ce qui améliore leurs possibilités d’accès à des services financiers. Pour convaincre les personnes les plus menacées de souscrire ces polices, le projet vise à susciter l’engagement des communautés vulnérables par ses activités de sensibilisation et vulgarisation.

La LPC est conçue pour contribuer à stabiliser les institutions financières après les événements climatiques extrêmes en protégeant leurs fonds propres contre les chocs financiers qu’ils déclenchent. Le niveau de sécurité apporté par cette couverture des risques aide à prévenir tout recul à long terme de l’activité économique. La LPC peut par conséquent améliorer l’accès des personnes à faibles revenus à des prêts et services financiers abordables. Avec un meilleur accès au crédit, associé à la garantie d’une indemnité d’assurance en cas d’événement météorologique grave, les assurés peuvent investir dans des actifs qui augmenteront leur productivité.

La protection contre les risques offerte par ces deux produits d’assurance contribue donc à stimuler la croissance économique, malgré la fréquence accrue des catastrophes naturelles, en créant des emplois et en développant les marchés et les chaînes de valeur des Caraïbes.

En stimulant le développement économique dans les secteurs sensibles au changement climatique, le projet Climate Risk Adaptation and Insurance in the Caribbean de la MCII – mis en œuvre par le biais de la Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF) et d’autres partenaires[1] – a pour ultime objectif d’améliorer la résilience des communautés touchées par le changement climatique dans les Caraïbes.

L’assurance climatique en action

En mai 2017, 10 des 14 paroisses jamaïcaines ont été inondées suite à de très fortes précipitations et d’énormes glissements de terrain. D’après les services météorologiques de la Jamaïque, les précipitations sur l’île ont atteint un niveau sans précédent. L’Organisation météorologique mondiale a enregistré 63 mm de pluie à l’aéroport international Norman Manley de Kingston les 15 et 16 mai et 92,6 mm à l’aéroport international Sangster de Montego Bay les 17 et 18 mai – contre généralement 100 mm sur douze jours en mai.

Le secteur agricole de l’île a été gravement frappé par ces fortes pluies, avec des dommages estimés à 5,3 millions d’euros. Environ 10 000 agriculteurs ont été touchés. “Il y a eu des pluies très, très fortes et soutenues pendant des jours, qui ont sursaturé les sols”, explique Bobby Pottinger, qui cultive depuis 50 ans des bananes et des noix de coco sur sa ferme de 44 hectares à Highgate, paroisse Sainte-Marie, dans le nord-est du pays. “Quand les sols sont sursaturés et que les vents soufflent, cela renverse les bananiers, et j’ai perdu beaucoup de fruits qui étaient presque prêts à récolter.”

Avec les indemnités de la LPP, M. Pottinger a pu rapidement surmonter les dommages causés par les fortes précipitations. Auparavant, explique-t-il, les agriculteurs comme lui dépendaient de la caisse d’assurance de l’industrie bananière pour se protéger de tels phénomènes météorologiques. Mais les fonds ont été épuisés après environ huit gros ouragans et de nombreuses tempêtes. M. Pottinger voit donc d’un œil positif le projet Climate Risk Adaptation and Insurance in the Caribbean “parce qu’il n’y a rien eu pendant longtemps pour combler cette absence de solutions”. Il ajoute : “Je siège aussi au conseil de l’industrie de la noix de coco et je pousse également ses membres à souscrire ce type d’assurance.”

Sainte-Lucie est de même exposée aux événements météorologiques extrêmes liés au changement climatique. En 2016, l’agriculture de l’île a souffert des inondations et des glissements de terrain déclenchés par l’ouragan Matthew. Dans le sud de Sainte-Lucie, Cutis Fontenelle, producteur et exportateur de bananes et de plantains, a ainsi perdu 100 % de ses récoltes. C’était la troisième fois depuis qu’il a commencé à cultiver. “Il peut être très difficile de rebondir après les catastrophes naturelles”, dit-il. “En général nous sommes anéantis.” Évoquant le projet Climate Risk Adaptation and Insurance, M. Fontenelle, qui a été indemnisé pour ses pertes agricoles, explique : “C’est l’une des meilleures choses qui soient arrivées, en particulier pour les agriculteurs. Sans hésiter, je recommande à tout le monde de profiter de cette assurance.”

Renforcer la transparence et la confiance

Le projet Climate Risk Adaptation and Insurance s’efforce, avec plusieurs organismes nationaux de gestion des catastrophes, d’harmoniser au mieux les flux d’informations qui parviennent aux assureurs locaux, pour que les assurés puissent recevoir des alertes précoces à l’approche d’événements climatiques extrêmes. Informés à temps, les assurés peuvent ainsi gérer et atténuer les risques de manière proactive en mettant en œuvre les mesures nécessaires de protection de leurs moyens de subsistance. À cet effet, le projet a organisé des ateliers facilitant le dialogue entre les assureurs locaux, les organismes nationaux de gestion des catastrophes et les organisations régionales de gestion des urgences et catastrophes.

Ces ateliers avaient pour objectif de renforcer la transparence et la confiance entre les différentes organisations participant au projet, afin de favoriser la prestation des services nécessaires aux assurés. Les institutions et les individus seront ainsi plus enclins à investir en nombre dans les produits d’assurance – de 300 clients payants en Jamaïque, on devrait passer à 3 000 d’ici un an. Les ateliers visaient aussi à favoriser la participation des ministères caribéens en charge du changement climatique et du développement durable, ainsi que des autorités locales, afin qu’ils parviennent à un consensus soutenant l’assurance climatique indicielle et qu’ils aident le projet Climate Risk Adaptation and Insurance à se développer dans la région.

La LPP : comment ça marche ?

Les agriculteurs et les individus à faibles revenus couverts par la LPP sont assurés pour toutes les pertes de revenus dues aux pluies abondantes ou aux vents forts. Les primes sont fixées selon la couverture souhaitée par les assurés et peuvent être réglées de façon hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Un indice de déclenchement, correspondant au volume de précipitations ou à la vitesse du vent qui doivent être atteints pour que les assurés reçoivent une indemnisation, est défini à l’avance. Les quatre niveaux indiciels sont déterminés par une analyse rigoureuse des données historiques de vents et précipitations dans la région.

Le projet Climate Risk Adaptation and Insurance in the Caribbean collabore avec une organisation, DHI, pour surveiller les événements météorologiques extrêmes via les données satellitaires communiquées en permanence aux assureurs locaux. Lorsqu’un seuil d’événement météorologique extrême est dépassé, les assurés reçoivent un SMS des assureurs, qui leur précise le niveau de seuil atteint et le montant de leur indemnité – de 67 à 3 337 euros. Avec ce système, les assurés n’ont pas besoin de remplir une déclaration pour être indemnisés. Les remboursements d’assurance sont automatiquement déposés sur leurs comptes dans les 30 jours suivant l’événement climatique.

Ce processus évite aussi aux assureurs les longues et coûteuses visites de vérification des réclamations. Les assurés reçoivent simplement un SMS les prévenant quand la transaction a été effectuée. La simplicité et la rapidité des paiements contribuent aussi à soulager la pression financière exercée par les conséquences des événements climatiques graves sur les agriculteurs et les individus à faibles revenus. Les montants versés par les assureurs sont calculés en pourcentage de la valeur de couverture achetée par l’assuré. Dans tous les cas, plus l’événement climatique est extrême, plus les versements sont élevés.

Desmond Brown

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