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Une autre façon de soutenir l’agriculture

finance

Le “crowdfunding”

Faute de parvenir à convaincre les institutions financières classiques, des entreprises agricoles se tournent vers le financement communautaire. Spore en décrypte le fonctionnement à travers le témoignage d’une plateforme de crowdfunding et d’une association à but non lucratif.

Dans les pays ACP, les agroentreprises se tournent vers le financement communautaire – crowdfunding – pour lever des fonds en réponse aux difficultés à séduire les institutions financières classiques. Ces dernières années, de nombreuses plateformes ont été créées en Afrique pour lever des fonds ou du capital risque en vue de financer des projets agricoles, et des associations non lucratives axées sur l’agriculture ainsi que des agriculteurs tentent leur chance sur des sites de crowdfunding, dans l’espoir que des investisseurs les aideront à financer l’achat d’intrants, d’équipements agricoles, des formations, etc. Les opérateurs les plus connus sont Farmcrowdy et Growsel, mais Kickstarter, BlueBees et Lelapafund ont également été utilisés pour lever des fonds en vue de financer des projets agricoles.

Il reste cependant de nombreux défis à relever en matière de crowdfunding sur le continent. Le manque de réglementation empêche de passer à la vitesse supérieure, tandis que les personnes qui cherchent à lever des fonds doivent consacrer beaucoup de temps et d’efforts pour “vendre” leur projet dans un contexte où la concurrence se renforce. Pour Spore, deux acteurs décrivent leur expérience, en tirent des enseignements et donnent des conseils aux agribusiness désireux de tenter leur chance dans le crowdfunding.

L’enjeu est de gagner la confiance

Depuis sa création en 2017 au Nigeria, la société d’agri-tech Thrive Agric s’est rapidement développée et a facilité la collecte de plus de 2,6 millions d’euros en faveur de 10 000 agriculteurs, autour de plus d’une dizaine de projets dans tout le pays. Elle ambitionne de passer, d’ici la fin de l’année 2019, de 8,8 à 13,2 millions d’euros et à 4000  agriculteurs environ, selon Uka Eje, directeur de la stratégie et des opérations de l’entreprise.

Pour une mise moyenne de 190 € environ, les investisseurs – nigérians pour la plupart – deviennent actionnaires du projet qu’ils financent et perçoivent 40 % du bénéfice tiré de la récolte. Les agriculteurs aussi en perçoivent 40 %. Les 20 % restants reviennent à Thrive Agric. Pour chaque projet proposé sur son site, l’entreprise commence systématiquement par réaliser une analyse exhaustive des coûts et par établir un calendrier des activités agricoles, allant de la préparation des terres à la récolte, avant de s’accorder sur le prix du produit avec des acheteurs tels que Nestlé ou Unilever. Ce processus lui permet de déterminer le rendement et le délai sur lesquels les investisseurs peuvent tabler. Dans des projets que Thrive Agric a menés, des investisseurs ont par exemple bénéficié de 15 % de rendement sur leur mise initiale de 186 € après sept mois dans une exploitation spécialisée dans la tomate et de 20 % sur leur mise de 431 € après six mois dans un projet d’engraissement du bétail.

Toutefois, remarque Uka Eje, gagner la confiance des investisseurs reste difficile pour les participants au crowdfunding, en particulier dans les pays en développement où le modèle n’est pas encore bien établi. Le bouche à oreille, les retours positifs des investisseurs à leurs proches et à leurs amis, est le meilleur moyen de gagner la confiance de nouveaux investisseurs, mais cela prend du temps. Uka Eje conseille ainsi aux entrepreneurs qui envisagent de lancer une plateforme de financement communautaire de se tourner vers des organisations de plus grande envergure, telles que le Fonds international de développement agricole (FIDA). Leur “approbation” les aidera à se développer plus vite.

Bien que le crowdfunding soit l’un des rares moyens qui permettent à des particuliers d’investir dans l’agriculture dans les pays ACP, le risque élevé associé à ce secteur renforce la frilosité des investisseurs. Pour gagner leur confiance, tous les projets de Thrive Agric bénéficient d’une assurance, dont la police est décrite en détail sur le site. Ainsi les investisseurs ont-ils la certitude de récupérer leur mise en cas de mauvaise récolte due à des ravageurs ou des conditions climatiques extrêmes. Thrive Agric travaille aussi en étroite collaboration avec les coopératives intervenant dans les projets, à qui elle propose des formations à de bonnes pratiques agricoles, et informe les investisseurs de l’évolution des projets.

Le crowdfunding n’est bien entendu qu’une partie de la solution pour aider les agriculteurs à accéder au financement. Uka Eje recommande ainsi aux plateformes d’ouvrir la voie à d’autres modes de financement. Par exemple, explique Uka Eje, Thrive Agric crée un profil de tous les agriculteurs financés dans l’espoir que des banques et autres prêteurs s’en servent comme preuve de leurs antécédents en matière de crédit.

Faire beaucoup avec peu de moyens

Autre exemple : African Women in Agriculture (AWiA), une organisation établie à Johannesburg qui compte installer quatre fermes hydroponiques, dirigées par des femmes, sur le toit d’immeubles dans la ville de Sandton d’ici deux ans. AWiA a recueilli 3 675 euros, fin novembre 2018, six mois après le lancement d’une campagne de crowdfunding. Bien que ce montant soit inférieur aux objectifs initiaux, il s’est révélé suffisant pour développer les cultures sur une parcelle d’une pension pour enfants à Soweto. La présidente d’AWiA, Jenni Scheckter, explique que cet investissement constituera une part importante du dossier qui sera présenté lors des prochaines campagnes de financement communautaire liées à l’installation des fermes hydroponiques.

AWiA a récolté l’argent sur la plateforme sud-africaine Thundafund, qui a levé 1,6 million d’euros au profit de 465 projets très divers depuis sa création en 2013. Cette plateforme applique le principe du “tout ou rien” : les promoteurs doivent fixer le montant idéal qu’ils souhaitent obtenir pour financer leur projet ainsi qu’un montant moins élevé qu’ils doivent atteindre en 30, 45 ou 60 jours. Si les objectifs ne sont pas atteints, les fonds sont restitués aux investisseurs. Thundafund empoche une commission de 5 % du montant si les promoteurs sont des ONG et de 7 % pour d’autres organisations ou les particuliers.

Jenni Scheckter regrette de n’avoir pas suivi le conseil de Thundafund en fixant un seuil moins ambitieux que 3 174 €. Atteindre ce seuil critique rapidement, puis le revoir une ou deux fois à la hausse, aurait en effet permis à AWiA d’utiliser ces étapes dans son historique de crowdfunding. AWiA a obtenu un entretien à la télévision et deux autres à la radio sans le moindre budget de relations publiques, mais cela a demandé des “efforts colossaux” et Jenni Scheckter regrette de n’avoir pas commencé plus tôt.

Utiliser tous ses réseaux personnels et professionnels et cibler des “stars” des médias sociaux susceptibles de parler régulièrement de votre levée de fonds via WhatsApp ou Twitter permet de donner l’élan nécessaire, explique Jenni Scheckter. La moitié de la somme qu’AWiA a engrangée provient de deux investisseurs seulement, ce qui montre qu’identifier quelques investisseurs généreux peut être très utile. Jenni Scheckter conseille aux promoteurs de projet de donner aux investisseurs ce qu’ils cherchent (AWiA a donné des lots de semences venant du patrimoine d’une banque de semences de Soweto) et de ne pas partir du principe que tout le monde est aussi passionné qu’eux par leur projet.

Vide juridique

Réglementer le crowdfunding – qui se situe dans un vide juridique dans de nombreux pays africains – serait une avancée majeure pour en améliorer la crédibilité, assure Uka Eje. L’African Crowdfunding Association fait pression en ce sens et, en octobre 2018, a obtenu 260 000 euros du gouvernement du Royaume-Uni pour l’aider à élaborer des règles protégeant les investisseurs. Cet argent a également permis d’élaborer un système d’accréditation qui devrait encourager les investisseurs hors Afrique à participer.

Il existe quatre grands modèles de crowdfunding. Il y a d’abord les particuliers qui donnent de l’argent pour financer des projets ou des causes qui leur tiennent à cœur. Deuxièmement, le modèle de compensation est similaire, à ceci près que les investisseurs reçoivent quelque chose dont la valeur dépend de leur mise et qui est en rapport direct avec le projet. Troisièmement, les investisseurs de capital risque perçoivent des royalties ou reçoivent des actions ou des parts dans l’entreprise qu’ils financent, de sorte que les futurs bénéfices leur reviennent. Enfin, d’autres investisseurs prêtent de l’argent, puis récupèrent leur mise initiale plus des intérêts à une date convenue, selon un taux d’intérêt.

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