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L’intensification des investissements chinois bénéficie-t-elle à l’agriculture africaine ?

finance

Les entreprises chinoises qui investissent à l’étranger reçoivent un soutien financier important de la part du gouvernement chinois, qui considère l’Afrique et l’agriculture comme un élément important de la stratégie «Go Global» de la Chine

© Alamy

Le gouvernement chinois s’est engagé à canaliser davantage d’aide, de fonds de développement et de capitaux privés au profit de l’agriculture africaine. Décryptage des motivations derrière ces flux et de leur impact.

Les flux de fonds chinois arrivant en Afrique augmentent rapidement et l’agriculture en attire une part importante. En 2014, le continent a reçu 12 % de l’investissement chinois dans l’agriculture à l’étranger et cette proportion ne cesse de croître, selon un rapport de 2018 de l’USDA qui s’appuie sur des données du gouvernement chinois.

Au 7Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), à Pékin en septembre 2018, le président chinois Xi Jinping a promis de financer pour 52 milliards d’euros de projets dans toute l’Afrique sur les trois années suivantes. Cela comprend 13 milliards d’euros de subventions et prêts concessionnels ou sans intérêt – trois fois les sommes engagées au précédent FOCAC en 2015 –, 17 milliards de lignes de crédit, 9 milliards de fonds de développement et 4 milliards pour financer les importations en provenance de l’Afrique.

Xi Jinping a précisé que la modernisation de l’agriculture serait une priorité, ces investissements devant financer 50 programmes d’aide à l’agriculture et l’envoi de 500 experts agricoles en Afrique pour former des entrepreneurs et agronomes. Les entreprises chinoises seront aussi encouragées à investir au moins 9 milliards d’euros supplémentaires en Afrique sur cette période.

Des partenariats public-privé

Le gouvernement chinois, principal moteur de l’investissement dans l’agriculture africaine, cherche de plus en plus à y augmenter la participation des entreprises privées par le biais de partenariats public-privé, remarque Cathy Xi Cao, analyste indépendante du secteur agricole. D’après elle, cela devrait s’accélérer avec l’essor de l’initiative chinoise “La ceinture et la route” (BRI), qui vise à construire des voies commerciales dans toute l’Europe et l’Afrique. Même si les investissements de la BRI se concentrent sur les infrastructures lourdes telles que routes et ports, ils devraient aussi aider l’agriculture en améliorant la logistique et en permettant aux agriculteurs de toucher les marchés internes et étrangers.

Les centres de démonstration des technologies agricoles, souvent gérés par des entreprises chinoises privées avec l’aide financière du ministère chinois du Commerce (MOFCOM), sont les investissements les plus ambitieux de la Chine dans l’agriculture africaine. Il existe 23 centres dans l’ensemble du continent.

Parmi les grands acteurs chinois du secteur privé figure Tian Ze, une filiale de China Tobacco Co. Selon l’USDA, elle applique depuis 2005 un modèle d’agriculture contractuelle pour se développer au Zimbabwe, ainsi qu’au Malawi, en Tanzanie et en Zambie. Les investissements de Tian Ze incluraient la fourniture aux agriculteurs de financements sans intérêt ou à faible taux, mais aucun chiffre précis n’est disponible.

Les entreprises chinoises investissant à l’étranger reçoivent un solide soutien financier de la part du gouvernement chinois, qui considère que l’Afrique et l’agriculture constituent un aspect important de la volonté de mondialisation de la Chine. Par exemple, lorsqu’en 2016 la Banque de développement agricole de Chine et le ministère national de l’Agriculture ont convenu d’accorder pour 390 milliards d’euros de prêts à l’agriculture, l’appui aux investissements à l’étranger des entreprises agricoles chinoises constituait l’un des dix objectifs retenus pour l’utilisation de ces fonds.

Les motivations commerciales

Il est souvent dit que la principale motivation de Pékin pour soutenir l’investissement dans l’agriculture africaine est de garantir l’approvisionnement alimentaire de la Chine. Mais le rapport de l’USDA souligne que l’Afrique n’a fourni que 2 % des importations agricoles en Chine entre 2010 et 2015. En outre, bien que l’aide et l’assistance technique chinoises portent essentiellement sur le riz, la Chine n’importe ni riz ni céréales d’Afrique.

Il semble plutôt que les flux de l’aide chinoise soient conçus pour instaurer de la bonne volonté dans les pays africains afin de faciliter l’arrivée et la rentabilité des entreprises chinoises et de développer des marchés pour les intrants chinois comme les semences de riz. Par exemple, les investissements du fournisseur chinois d’aliments pour animaux New Hope Group, y compris en Égypte et en Afrique du Sud, visent à créer des marchés dans ces pays pour ses produits.

Un impact indéterminé

Alors que de nombreux médias accusent les structures chinoises d’accaparer 6 millions d’hectares de terres sur le continent, l’impact des investissements chinois dans l’agriculture africaine est un sujet sensible. Toutefois, selon l’Initiative de recherche Chine-Afrique de l’Université Johns-Hopkins, à peine plus de 4 % de ce chiffre – 252 901 hectares – peuvent être confirmés.

L’empressement chinois à prêter aux gouvernements africains – le Kenya, par exemple, doit près de 4,6 milliards d’euros à la Chine, environ un cinquième de sa dette externe totale – suscite aussi des inquiétudes, les critiques alléguant qu’il s’agit d’une stratégie pour acquérir de l’influence politique, en particulier lorsque les emprunteurs ont du mal à rembourser. Que ce soit vrai ou pas, une grande partie de ces prêts entre gouvernements sont axés sur les infrastructures de l’énergie et du transport plutôt que sur l’agriculture et l’aide au développement, et les prêts des banques commerciales de la Chine concernent essentiellement des entreprises chinoises.

Chez les agriculteurs, l’impact des investissements chinois est mitigé. Par exemple, la commission du tabac du Zimbabwe a reconnu que le modèle d’agriculture contractuelle de Tian Ze a aidé le secteur à se développer à une époque où des sanctions internationales tenaient les investisseurs d’autres pays à l’écart, mais il semble que l’entreprise chinoise ait demandé le remboursement des prêts accordés aux cultivateurs de tabac en 2016, lorsqu’ils n’ont pas pu fournir leur production à cause de la sécheresse et des mauvaises récoltes. Aussi, bien que la technologie agricole chinoise soit moins coûteuse que celle de l’Occident, quelques médias rapportent que, selon certains agriculteurs, elle est encore trop chère et que les centres de démonstration chinois ne leur ont pas appris grand-chose d’utile.

La CIDCA : une ère nouvelle ?

En avril 2018, le lancement de l’Agence chinoise de coopération internationale pour le développement (CIDCA) a laissé espérer que Pékin amorçait une approche plus transparente et collaborative de ses flux d’aide, ainsi qu’une nouvelle volonté de reconnaître les erreurs. Moins de six mois plus tard, la publication d’un rapport commun de la CIDCA et du PNUD sur l’impact et l’efficacité de deux projets chinois en Guinée-Bissau et au Mozambique semble constituer un pas dans cette direction. Ce rapport préconise, entre autres, que les experts techniques chinois restent plus longtemps dans les pays et s’impliquent davantage avec les partenaires locaux comme les coopératives agricoles et les ONG.

Malgré tout, l’investissement chinois dans l’agriculture africaine reste controversé. Pour les gouvernements et entreprises occidentaux, les liens forts, en Chine, entre l’État et le secteur privé servent à ce que les financements bon marché offrent aux entreprises chinoises un avantage déloyal sur les marchés et donnent à Pékin un niveau inquiétant d’influence sur les dirigeants africains. D’autres arguent que les agriculteurs africains ne gagneront rien à long terme d’un modèle qui sert les intérêts commerciaux chinois. Pour l’instant, l’investissement chinois reste de loin la plus grosse offre proposée pour l’agriculture africaine, à défaut d’être toujours la meilleure. Cela ne changera que lorsque d’autres gouvernements accroîtront leur propre engagement dans le secteur. 

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