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Un portefeuille “mobile” pour les petits agriculteurs

finance

Connected Farmer Alliance, un moyen de paiement mobile développé par un partenariat public-privé, transforme l’agrofinance pour diverses chaînes de valeur et facilite l’accès des agriculteurs au crédit. Reportage au Kenya.

Kenya Nut Company, l’un des principaux transformateurs africains de noix de macadamia, a dû relever d’importants défis de communication et de logistique. En effet, 100 000 agriculteurs fournissent ses 154 centres d’achat, où l’entreprise acquiert en moyenne 6 800 tonnes de noix par an pour environ 6,4 millions d’euros. Auparavant, Kenya Nut envoyait plus de 182 agents sur le terrain pour peser les denrées et payer les agriculteurs. Désormais, la plupart des transactions se font via les téléphones portables.

“Parfois notre personnel devait marcher de longues distances en transportant de grosses sommes et, les paiements se faisant en général ouvertement, tout le monde pouvait voir les montants qu’ils avaient sur eux”, explique Wangai Gatawa, chef des achats sur le terrain de Kenya Nut. “Au plus fort de la période d’achat, cela pouvait représenter plus de 120 000 € par jour, multipliant les possibilités de vol et les cas de détournement par les agents. Notre entreprise devait aussi assumer trop de coûts opérationnels, dont les frais bancaires sur les retraits.”

Un modèle profitable pour tous

Le système de paiement mobile Connected Farmer Alliance (CFA)1 a inauguré un moyen plus rapide et pratique pour traiter avec les quelque 20 000 agriculteurs de Kenya Nut enregistrés sur la plateforme. Lors d’une livraison au centre de stockage, une balance électronique reliée à une application web et mobile communique le poids aux téléphones des employés de Kenya Nut et de l’agriculteur, dont les informations bancaires ont été enregistrées. Le paiement est automatiquement déclenché par le biais de la plateforme monétique mobile M-PESA.

“Ce modèle profite à tous”, explique Anthony Thuku, directeur de branche de Kenya Nut dans la Province centrale du Kenya, où plus de 6 000 agriculteurs sont enregistrés dans le système. “Avant, la mise en concordance des comptes et la réalisation des paiements prenaient du temps, ce qui décourageait les agriculteurs. Nous avons aussi diminué les cas de vente parallèle à d’autres négociants, dus aux besoins d’argent urgents des agriculteurs. Le système de paiement mobile leur permet de se concentrer sur la culture et la vente de noix de qualité qui leur procurent de bons revenus.”

Des agriculteurs mieux connectés

Le système de paiement mobile offre de nouvelles opportunités à de nombreux petits agriculteurs exclus des services financiers classiques des banques et assurances. Selon David Irungu, administrateur régional du suivi et de l’évaluation pour CFA, “les agriculteurs ont souvent des problèmes d’accès aux intrants et aux crédits d’urgence et d’imprévisibilité des paiements, ce qui les empêche de se concentrer sur une production agricole de qualité. Un agriculteur qui sait qu’il sera payé immédiatement à la livraison de sa production peut acheter des intrants à crédit en montrant son historique de paiements. Cela lève un obstacle majeur dans la chaîne de valeur.”

À 65 ans, Richard Gathogo, qui cultive des macadamiers depuis 25 ans, fait la liste de ses mauvaises expériences avec les acheteurs : entre les intermédiaires qui lui offraient un prix trop bas pour ses noix et les paiements effectués avec trois mois de retard, M. Gathogo a presque renoncé à son activité. Jusqu’au jour où il a essayé CFA. “Cela a changé ma pratique agricole et m’a poussé à cultiver davantage”, s’enthousiasme-t-il. “Jamais dans toute ma vie d’agriculteur je n’avais été payé le jour de mes livraisons.”

Des défis sur le terrain

À ses débuts, le projet CFA a rencontré des difficultés. Des agriculteurs refusaient les paiements mobiles. Malgré les formations pour sensibiliser les producteurs aux avantages de la technologie, certains ont encore des appréhensions. “Dans la zone côtière du Kenya où nous nous approvisionnons en noix de cajou, nous avons dû cesser d’utiliser ce système et revenir aux espèces parce que les agriculteurs n’acceptaient pas d’être payés par le biais de leurs téléphones et hésitaient à communiquer leurs coordonnées bancaires”, explique Wangai Gatawa, de Kenya Nut. “Ils ont menacé d’arrêter de nous vendre leurs produits.”

L’adoption du système a aussi été ralentie par l’insuffisance de réseaux mobiles en milieu rural et le grand nombre d’agriculteurs non équipés de téléphones portables. Par ailleurs, le système fonctionne bien avec les denrées livrées quotidiennement, telles que le lait et les noix, mais a dû être abandonné pour les cultures saisonnières comme la mangue et la canne à sucre : d’une récolte à l’autre, les agriculteurs oubliaient comment utiliser la technologie mobile et recouraient de nouveau aux espèces.

Toutefois, la société coopérative des producteurs laitiers de Ndumberi, dans la Province centrale, a adopté avec succès ce système de paiement qui permet à ses membres un suivi des volumes produits et vendus. L’absence d’argent liquide réduit aussi les cas de vol par certains négociants sans scrupules. De plus, le système fournit directement aux agriculteurs, sur leurs téléphones portables, des informations actualisées sur les bonnes pratiques agricoles afin d’augmenter les volumes et la qualité du lait et d’optimiser son prix sur le marché. Le système permet aussi aux producteurs de se procurer des intrants à crédit dans les magasins locaux en utilisant leur historique de paiements comme garantie.

“Le succès du système de paiement mobile dépend en grande partie des entreprises traitant avec les petits agriculteurs”, conclut le représentant local de CFA, David Irungu. “Si celles-ci n’y trouvent pas leur intérêt ou de la rentabilité, elles le rejettent, ce qui explique les nombreux échecs. Dans le cas de Kenya Nut et des producteurs de lait de Ndumberi, le système a simplifié leur activité et amélioré les rapports avec leurs producteurs.”

1 CFA est un partenariat public-privé entre l’USAID, Vodafone et TechnoServe qui vise à promouvoir des solutions mobiles commercialement durables pour l’agriculture et augmenter la productivité et les revenus d’environ 500 000 petits agriculteurs au Kenya, au Mozambique et en Tanzanie.

Bob Koigi

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