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Les contrats à terme en réponse à la volatilité du marché céréalier

finance

Prix garantis

Le lancement de contrats à terme sur le marché céréalier zambien, en mai 2018, vise à aider les agriculteurs et les autres acteurs du secteur agricole à se protéger de la volatilité des prix. D'autres pays pourraient transposer ce modèle.

Un nouveau contrat à terme (voir l’encadré) devrait permettre aux agriculteurs, aux négociants, aux banques et à d'autres acteurs du secteur agricole de se protéger contre la fluctuation des prix des céréales en Zambie. La Bourse de Johannesbourg (Johannesburg Stock Exchange, JSE) et la Bourse des matières premières de la Zambie (Zambian Commodity Exchange, ZAMACE) doivent le lancer en mai prochain.

Ces contrats, libellés en dollars, seront cotés à la célèbre JSE. Pour la première fois, les participants auront la possibilité de bloquer les prix des futures livraisons de céréales produites et stockées en Zambie, explique Chris Sturgess, directeur des produits à la bourse de Johannesbourg. Les premières céréales concernées seront le maïs blanc, puis le blé et le soja.

Afin d'encourager la participation d’exploitants plus modestes, chaque contrat sera établi pour 10 tonnes de céréales, contrairement au lot standard de 100 tonnes prévu par la JSE. Cinq contrats seront lancés chaque année, aux mois de mars, mai, juillet, septembre et décembre. Leur durée de 12 mois coïncidera avec les périodes de récolte et de production.

Selon Chris Sturgess, les participants qui souhaitent acheter un contrat à terme devront s’acquitter d’un acompte, ou “marge”, qui devrait s’élever, au départ, à 10-12 % du prix convenu pour un lot.

Minimaliser les risques

En Zambie, la volatilité des prix du marché céréalier met en danger toute la chaîne de valeur, affirme Raphael Karuaihe, responsable des produits à la JSE. Ces deux dernières années, les prix du maïs ont oscillé entre 97 € et 244 € la tonne. Pour le directeur général de la ZAMACE, Jacob Mwale, ces contrats à terme, à l’instar des produits d'assurance, protégeront tous les acteurs du marché céréalier zambien de ces fluctuations.

Chris Sturgess ajoute que, sur les actuels marchés au comptant, “l'agriculteur cultive et n’a plus qu’à croiser les doigts pour que les prix soient corrects au moment de la récolte”. L’achat de cette garantie lui permettra de vendre ses produits à un prix fixé à l'avance et non pas précipitamment sur un marché faible. Ces agriculteurs pourront enfin “dormir tranquillement en sachant qu'ils se sont protégés”, poursuit Jabob Mwale.

Mais d’après Rob Munro, directeur de la stratégie chez Musika, une organisation non gouvernementale zambienne qui participe au renforcement des capacités de la ZAMACE, les contrats ont beau être simples pour permettre aux petits exploitants de participer, individuellement ou en groupe, la plupart risquent de se décourager face au coût de la marge et à la complexité de la négociation.

Toutefois, les intermédiaires comme les négociants pourraient acheter des contrats à terme afin de fixer le prix d'un lot de céréales qu'ils prévoient d'acheter, pour ensuite proposer ce prix à leurs petits fournisseurs, à condition que ces derniers respectent leurs contrats en leur livrant bel et bien le maïs, explique Chris Sturgess.

“Il existe très peu d'arrangements contractuels entre le secteur agroalimentaire et les petits agriculteurs travaillant dans la commercialisation des produits de base et aucun ne prévoit de prix pour la pré-plantation”, confirme Rob Munro, de Musika. “Si les acheteurs, les négociants et les transformateurs pouvaient couvrir leurs propres positions sur le marché, ils seraient en mesure de donner une fourchette de prix à leurs petits fournisseurs, ce qui aurait un impact très bénéfique sur le marché. Les agriculteurs seraient sereins face aux accords d'exploitation et aux prix, et la finance pourrait se développer sur une base plus solide.”

Actuellement, seuls les contrats à terme bilatéraux permettent aux négociants tels que la société de services agricoles AFGRI de gérer le risque des prix en Zambie. Ils achètent aux agriculteurs des céréales à un prix et à un tonnage fixés à l’avance, les récupèrent au moment de la récolte, puis les vendent aux meuniers dans le cadre d'un accord similaire, explique Joof Pistorius, responsable du marketing des céréales au sein de l'AFGRI Zambie. Les nouveaux contrats à terme “bénéficieront tant aux agriculteurs qu’aux négociants, aux meuniers, aux transformateurs et aux investisseurs. Nous les attendons avec impatience”, ajoute-t-il.

Au moment de proposer un prêt aux agriculteurs en échange d’un récépissé d'entrepôt, les institutions financières auront également la possibilité de se servir de ces contrats pour se prémunir contre la baisse du prix des céréales par rapport au montant initialement prévu, explique Jacob Mwale. Elles pourraient ainsi être incitées à financer davantage de récépissés d'entrepôt et à proposer des tarifs plus concurrentiels.

Le bon fonctionnement d’un marché à terme pourrait renforcer le marché des produits de base au sens large. Selon Rob Munro, ce sont en particulier les plus petits acteurs du secteur qui profiteront “de meilleurs accords d'exploitation, d'une plus grande visibilité sur les prix et d'un marché moins chaotique”.

Intervention du gouvernement

Le chemin à parcourir n'est pas sans embûches. Les marchés céréaliers sont menacés par l'ingérence du gouvernement et la distorsion des prix qui en résulte.

Même si Joof Pistorius encourage vivement le concept des contrats à terme, il est plutôt sceptique quant à leur fonctionnement au sein du marché actuel. L'Agence de réserve alimentaire de Zambie (Food Reserve Agency) achète régulièrement et directement aux producteurs du maïs à des prix gonflés, ce qui les dissuade de respecter les contrats passés avec les acheteurs commerciaux, explique-t-il. L’année dernière, le gouvernement a également imposé des contrôles aux frontières, empêchant le blocage des exportations de maïs, avec pour corollaire des excédents locaux et la chute des prix, passant de 219 € à 97 € la tonne.

L'imprévisibilité de ces événements a découragé les agriculteurs zambiens à stocker leurs céréales sur le long terme et à utiliser le système des récépissés d'entrepôt, pourtant essentiels aux contrats à terme, explique Rob Munro. Il remarque cependant que les interventions du gouvernement se sont considérablement espacées ces derniers temps et que, si cela continue, les négociants auront une visibilité à plus long terme sur les prix et le marché des dérivés pourra se développer.

Joof Pistorius a lui aussi remarqué la tendance récente du gouvernement à limiter ses interventions. Il craint cependant que, tant que ces interventions restent possibles, l'AFGRI et d’autres acteurs hésiteront à s’engager dans des contrats à terme. De son côté, Jacob Mwale souligne “l’appui solide” du gouvernement en faveur de la collaboration entre la ZAMACE et la JSE et est persuadé qu'une fois que les marchés à terme liquides auront fait leurs preuves le gouvernement comprendra qu'il devra prendre ses distances.

Transposer le modèle dans la région

Le Southern Africa Trade and Investment Hub de l’USAID (SATIH), qui a participé au développement des contrats à terme avec la JSE et la ZAMACE, considère qu'il est tout à fait envisageable de reproduire le modèle de ces contrats dans les pays voisins pour créer une plateforme d'échanges régionale. Par exemple, la JSE pourrait prêter ses infrastructures aux bourses du Malawi et du Mozambique afin de lancer les contrats à terme pour les produits agricoles dans ces pays.

Le SATIH aimerait qu'au moins un accord soit signé à cet effet à l’occasion du séminaire sur le commerce coorganisé en Zambie en juin 2018 par l’USAID et INTL FCStone, fournisseur de services financiers et d’opérations sur marchandises. Cet événement de deux jours présentera également des négociations en temps réel sur d'autres contrats à terme pour les produits agricoles.

La ZAMACE est prête à renouveler sa collaboration avec d’autres bourses une fois que le contrat avec la JSE aura été lancé, explique Jacob Mwale. “Le travail réalisé avec l'aide de la JSE et de l’USAID l’a beaucoup aidée”, assure-t-il.

“Si ce contrat fonctionne et génère autant d'activités et de liquidités que les contrats sur le maïs blanc en Afrique du Sud, d'autres acteurs de la région pourront alors réfléchir à utiliser notre méthode pour mettre en place des contrats dérivés”, poursuit Chris Sturgess. “Je suis certain que cela incitera les agriculteurs de la région à se rassembler pour sécuriser leur production de céréales.”

Le Southern African Trade Seminar se tiendra à l'hôtel Avani Victoria Falls Resort, à Livingstone en Zambie, du 26 au 29 juin 2018. Cet événement entend illustrer les bienfaits du libre-échange en Afrique du Sud et pérenniser la bourse de marchandises dans la région.

Les “contrats à terme”, qu’est-ce que c’est ?

Les contrats à terme sur marchandises sont des contrats standardisés négociables permettant à un acheteur et à un vendeur de s’entendre sur la livraison d'une quantité définie d'un produit, également appelée “lot”. Le prix et la date de livraison, ou “expiration”, sont déterminés à l'avance.

Avant de souscrire au contrat ou à l’échange, les parties intéressées doivent régler une marge à la chambre de compensation, en contrepartie de tous les échanges commerciaux. La marge est un dépôt en espèces ou un acompte calculé en pourcentage de la valeur totale du lot acheté et vendu en vertu du contrat.

En cas de fluctuation des prix de la marchandise concernée, il est possible que la marge augmente jusqu'à 15 % du prix convenu. Lorsque les prix sont plus stables, le coût initial de la souscription au contrat est plus faible, soit environ 6 % du prix fixé.

Pour fonctionner correctement, un marché à terme doit disposer d'une liquidité convenable, c'est-à-dire de nombreux participants et échanges. En effet, plus les participants sont nombreux, plus il est facile de trouver un acheteur et un vendeur pour chaque échange.

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