Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Promouvoir les alliances pour la transformation de l’agriculture

Spore exclusif

 

Dr Agnes Kalibata

Présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), le Dr Agnes Kalibata souligne l’importance du partage des connaissances et du développement de partenariats réalisés par le CTA, ainsi que la nécessité d’une alliance entre les parties prenantes pour augmenter l’impact de la numérisation de l’agriculture.

Cela fait de nombreuses années que l’AGRA est un partenaire privilégié du CTA qui a su utiliser ses partenariats pour accroître son impact davantage que s’il avait travaillé seul. Comment voyez-vous les réalisations du CTA ?

Je connais le CTA depuis longtemps. C’était probablement l’une des rares institutions à documenter ses travaux dans le domaine agricole, ainsi que les enseignements acquis, et à les mettre à la disposition des petits agriculteurs. En 2013, pendant mon mandat en tant que ministre de l’Agriculture du Rwanda, j’ai aussi collaboré avec le CTA sur sa conférence TIC4Ag dans le pays, qui a été extrêmement bien reçue et a contribué à sensibiliser les gouvernements et d’autres acteurs au rôle des TIC dans le développement agricole. Le CTA a encouragé les pays à réfléchir à la numérisation, à son rôle dans le secteur agricole et à la meilleure manière d’utiliser et de mettre à profit les opportunités qu’elle offre. L’organisation a également axé son action sur la numérisation en mettant l’accent sur l’entrepreneuriat, ce qui a permis aux initiatives numériques de réellement prendre de l’envergure.

Le CTA a aussi lancé le concours Pitch AgriHack, qui assure une bonne éducation à de nombreux jeunes et les aide à s’engager dans les TIC4Ag. Le type d’entrepreneuriat que nous observons maintenant dans le secteur des TIC pour l’agriculture n’existerait pas sans les efforts déployés par le CTA pour mobiliser le paysage des TIC4Ag et donner l’exemple en montrant des modèles réels d’opportunités entrepreneuriales. Et bien sûr, lors du Forum pour une révolution verte en Afrique (AGRF) qui s’est tenu cette année, le CTA a présenté un rapport conjoint avec Dalberg Advisors qui révèle ce qui se passe sur le terrain en matière de numérisation pour l’Afrique et défend aussi avec force l’utilisation des technologies numériques dans le secteur.

L’une des principales recommandations du rapport sur la numérisation est la création d’une alliance pour promouvoir les partenariats et diffuser les solutions à plus grande échelle. Selon vous, comment cela peut-il se dérouler ?

L’AGRA peut accélérer la transformation de l’agriculture en réunissant des groupes de personnes ou institutions qui s’intéressent aux mêmes choses grâce à notre rassemblement continental, l’AGRF, et en cherchant le moyen de faire travailler ces groupes ensemble sur certains thèmes entre chaque événement annuel. Il y a actuellement environ dix groupes de travail thématiques, notamment sur la numérisation et le genre. J’espère que le groupe qui s’occupe de numérisation se transformera en une alliance pour la numérisation qui nous permettra de former les partenariats nécessaires pour progresser et d’examiner les opportunités qu’offre ce secteur. Par exemple, dispose-t-il de suffisamment de ressources ? De quel type d’investissement a-t-il besoin ? Est-il appuyé par le secteur public ou par le secteur privé ? Quelles sont les dispositions nécessaires du point de vue du secteur public – de nouvelles politiques, d’autres manières d’envisager l’engagement du secteur privé, d’autres mesures ?

Une alliance pour la numérisation est par conséquent cruciale, c’est quelque chose qui doit être mis en place parce que le secteur est en pleine croissance et que ses acteurs doivent pouvoir régulièrement se réunir pour savoir qui travaille dans quel domaine. L’AGRF nous permet à tous de nous retrouver et de discuter des progrès que nous observons. Par ailleurs, entre chaque événement, il est primordial que tous les partenaires suivent l’évolution des autres et se rendent mutuellement compte de leurs progrès.

Que souhaiteriez-vous que les gouvernements et décideurs africains fassent de plus pour transformer l’agriculture et mettre à profit le potentiel de la numérisation et des entrepreneurs ?

Les gouvernements cherchent de nouvelles voies pour la prestation de services aux agriculteurs et disposent pour ce faire de plusieurs outils numériques : coupons électroniques pour fournir des intrants tels que semences et engrais, services d’informations météorologiques basés sur les TIC ou applications donnant accès à des assurances et techniques de gestion de la protection des cultures. Le potentiel des services et activités entrepreneuriales qui peuvent être créés autour de la numérisation de l’agriculture est donc immense. Le CTA a été un grand défenseur de la numérisation en stimulant l’intérêt pour le secteur et en faisant connaître ce qui existe déjà. Nous devons toutefois réfléchir au type de cadre politique qu’il va falloir mettre en place du point de vue de l’entrepreneuriat TIC et de la numérisation. De nombreuses entreprises se créent rapidement dans ce secteur et nous devons veiller à ce que ces start-up soient ancrées dans des politiques et un cadre réglementaire qui définissent leurs droits et leurs responsabilités. En somme, nous devons réfléchir au type d’environnement qui soutiendra ces entreprises dans un tel paysage, et cela assez rapidement.

En 2020, l’AGRF retournera à Kigali, au Rwanda. Comment cela s’est-il fait ?

Il devenait très difficile pour les partenaires de l’AGRF d’assumer les frais occasionnés par l’accueil du forum dans un lieu différent chaque année. Pour que cette conférence passe à un autre niveau de qualité des services offerts, nous avons décidé de l’organiser en nous inspirant du Forum économique mondial sur l’Afrique, dont la base est au Cap, en Afrique du Sud, et qu’un pays différent accueille tous les deux ans. En nous fondant sur ce modèle, nous avons demandé aux pays de faire des offres et le Rwanda, qui dispose d’excellentes installations et bénéficie de l’appui de son gouvernement, a été sélectionné comme "siège" de l’AGRF. Le gouvernement du Rwanda a aussi démontré un très fort engagement pour l’agriculture du point de vue du secteur public, ce qui est crucial puisque nous voulons attirer ce secteur. L’AGRF était initialement un forum d’engagement animé par le secteur privé.

De plus, nous voulons que l’AGRF prenne de l’importance en faisant participer davantage d’acteurs du secteur privé, de jeunes et de femmes et en augmentant l’engagement dans les thèmes abordés. Nous souhaitons aussi garantir qu’entre les sommets de l’AGRF l’engagement pour le développement soit plus fort et que tous les acteurs concernés se concentrent sur ce qui sera proposé aux participants des futurs événements.

Vous avez souligné à l’AGRF l’importance de rassembler différents acteurs. Le CTA a travaillé sur le terrain avec les agriculteurs et les agroentreprises et il a aussi tenu un rôle important de plaidoyer en matière de politiques. Quelle est selon vous le point fort du CTA ?

S’il est quelque chose que nous ne faisons pas bien, en particulier sur ce continent, c’est la documentation et le partage des connaissances. Il est donc formidable d’avoir un partenaire capable d’extraire des connaissances de toutes sortes d’institutions, de les documenter et de les mettre à la disposition de tous ; c’est sa force principale. Aussi, lorsque le CTA s’intéresse à une question cruciale, il pèse réellement de tout son poids pour défendre les mesures nécessaires. En outre, le CTA a beaucoup œuvré en faveur de la jeunesse. Alors que nous nous battons pour essayer de trouver des emplois pour les jeunes, Pitch Agrihack leur permet d’acquérir certaines compétences et leur donne l’opportunité d’utiliser leurs cerveaux et leur imagination pour développer des entreprises. Le CTA a renforcé les capacités des jeunes et leur a donné la confiance nécessaire pour faire un pas en avant et se considérer comme des entrepreneurs. L’organisation a fait un excellent travail de développement du savoir, de partage de ces connaissances et de défense des mesures à prendre et des changements à apporter.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter ?

Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier les responsables et l’équipe du CTA pour le travail extraordinaire qu’ils ont accompli ces dernières années. J’ai eu le privilège de travailler avec eux au Rwanda et à l’AGRA et je dois dire qu’ils ont réellement obtenu des résultats, et fait un excellent travail.