Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

“Chacune de mes interventions tient compte des questions de genre”

Spore exclusif

 

Entretien avec Faith Milkah Muniale

Chercheuse senior, Faith Milkah Muniale évoque son engagement auprès de Femmes africaines dans la recherche et le développement agricole (AWARD).

Vous avez bénéficié du programme d’AWARD en 2013 et été parrainée par le Dr Mary Gikungu, chercheuse principale aux Musées nationaux du Kenya. Que vous a apporté ce mentorat ?

Ce mentorat m’a aidée à fixer des objectifs réalisables et à m’y tenir jusqu’à leur réalisation. La formation d’AWARD m’a fait découvrir le plan d’action qui, avec le soutien de mon mentor, m’a aidée à décomposer ces objectifs en étapes faisables. Trois ans plus tard, je maintiens toujours le cap ! Le Dr Gikungu a continué de me conseiller. Je vais obtenir mon doctorat en fin d’année. Les recherches que j’ai entreprises ont été inspirées par l’expérience acquise durant le programme de bourses d’AWARD.

Vous travaillez actuellement avec la communauté Ogiek [1] . Pourquoi les savoirs autochtones sont-ils importants pour développer la résilience au changement climatique ?

Les Ogiek, dernière communauté autochtone du Kenya habitant la forêt, possèdent des connaissances autochtones très riches. Celles-ci sont extrêmement importantes pour la résilience au changement climatique parce qu’elles relèvent d’une approche holistique. Les savoirs autochtones ne fonctionnent pas en vase clos, mais suivent une approche écosystémique : ils s’intéressent aux personnes, plantes, animaux et à leurs interactions. La résolution des problèmes est localisée et fondée sur ce qui a fonctionné dans le passé.

Comment votre engagement dans le programme d’AWARD a-t-il façonné le travail que vous réalisez pour aider les communautés rurales ?

Les communautés rurales sont souvent marginalisées. Pour les Ogiek, cela s’explique probablement par leurs choix de vie excluant l’éducation formelle. Pour responsabiliser ces communautés et améliorer leurs moyens d’existence, je dois prendre en compte les facteurs marginalisants qui touchent leur mode de vie.

Avec le programme de bourses d’AWARD, j’ai développé une meilleure compréhension du concept de prise en compte des questions de genre, ce qui a été très utile dans mon travail avec les communautés rurales. Je m’assure maintenant que chacune de mes interventions tient compte des questions de genre. Je veille à ce que les femmes participent autant aux formations que les hommes, qui assistent naturellement à ce type de réunions.

Avez-vous eu l’occasion de transmettre les compétences que vous avez acquises à d’autres jeunes femmes dans le secteur ?

Oui, et avec plaisir. J’ai organisé un événement dans mon ancien lycée dans le cadre du programme d’AWARD. Cela m’a permis de démarrer un programme de mentorat que je gère maintenant avec quelques anciennes camarades de classe. Nous animons à l’école des réunions annuelles pour discuter avec les jeunes filles des divers facteurs susceptibles d’améliorer leurs études, leur vie sociale et leurs plans de carrière. J’ai parrainé deux collègues en appliquant les directives de mentorat d’AWARD et je suis fière de les voir suivre les plans d’action par étapes qu’elles se sont tracés.

Pourquoi est-il important que davantage de femmes bénéficient de soutien dans la recherche agronomique ?

Dans les communautés avec lesquelles j’ai travaillé, les femmes sont les principaux moteurs de l’agriculture. Elles supportent la charge des travaux agricoles, nourrissent les familles et plus généralement la nation et assurent la production alimentaire. Malheureusement, elles interviennent surtout au sein des exploitations et ne sont pas en position de prendre des décisions. Étant donné leur rôle dans l’agriculture en Afrique subsaharienne, il faudrait leur fournir les outils permettant d’accéder à davantage d’informations. Elles pourraient ainsi prendre des décisions éclairées.

Nous devons encourager les filles à choisir des carrières basées sur l’agriculture dès l’école et les attirer vers les sciences agronomiques avec du mentorat sur le long terme. Des centres de recherche pourraient aussi offrir des postes de formation à de jeunes diplômées, comme des stages qui les aideraient à acquérir de l’expérience et dynamiser leurs projets de carrière.

Notes de bas de page

[1] Le CTA a aussi travaillé avec la communauté Ogiek sur la modélisation participative en 3D. Pour plus d’informations (en anglais) : https://tinyurl.com/yxvthnvu