L’Action commune de Koronivia pour l’agriculture (Koronivia Joint Work on Agriculture, KJWA) a été adoptée lors de la 23eConférence des Parties (COP23) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui s’est tenue en novembre 2017. L’objectif était d’orienter les efforts de mise en œuvre de l’Organe subsidiaire de conseil technologique et scientifique (OSAST) et de l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (OSMO) et de leur permettre de s’attaquer conjointement aux questions en rapport avec l’agriculture. La KJWA a ouvert la voie à une action audacieuse et transformatrice visant à renforcer la résilience des petits agriculteurs dans le domaine des moyens de subsistance et de l’approvisionnement alimentaire, tout en atténuant les effets du changement climatique.
La KJWA a invité les Parties et les observateurs à soumettre leurs points de vue quant aux éléments à inclure dans le programme de travail, notamment (mais de façon non limitative) : a) les modalités de mise en œuvre des conclusions des cinq ateliers en session sur les questions liées à l’agriculture et d’autres thèmes futurs susceptibles de découler de ces travaux ; b) les méthodes et approches visant à évaluer les capacités d’adaptation ; c) l’amélioration de la quantité de carbone, ainsi que de la santé et de la fertilité du sol dans les pâturages et sur les terres cultivées, et la mise en place de systèmes intégrés tels que les systèmes de gestion des eaux ; d) l’amélioration de l’utilisation des nutriments et de la gestion du fumier en vue du développement de systèmes agricoles durables et résilients ; e) l’amélioration des systèmes de gestion de l’élevage ; et f) les dimensions socio-économiques et de sécurité alimentaire du changement climatique dans le secteur agricole (voir https://bit.ly/2R0o6t7 pour en savoir plus).
Les contributions reçues ont abouti à l’élaboration d’une feuille de route, adoptée en mai 2018 au sein de l’OSAST, qui décrit les activités qui seront mises en œuvre au cours de la période 2018-2020 par l’OSMO-OSAST. Sur la base de cette feuille de route, les Parties à la Convention ont été invitées à présenter leurs contributions sur le premier domaine thématique ((a) ci-dessus) avant la COP24, lors la quarante‑neuvième session de l’OSMO, organisée en décembre 2018 à Katowice, Pologne. Lors de cette réunion, le Groupe africain des négociateurs a formulé plusieurs recommandations, qui sont essentielles pour mieux comprendre les possibilités offertes par la KJWA et les avantages que les pays ACP peuvent en retirer :
- Financement de la lutte contre le changement climatique – la CCNUCC doit réserver des fonds pour soutenir la mise en œuvre des activités agricoles.
- Renforcement de la coopération et des partenariats internationaux en vue d’améliorer les capacités, ainsi que le développement et le transfert des technologies.
- Suivi des progrès – il y a lieu de soutenir la mise au point d’indicateurs qui pourront être utilisés pour suivre les efforts d’adaptation et d’atténuation en Afrique.
- Il y a lieu également de procéder à des évaluations de la vulnérabilité, d’élaborer des plans d’urgence et des systèmes d’alerte rapide et de mettre en place des filets de protection sociale qui tiennent compte de la dimension de genre.
- Des liens doivent être établis avec la FAO, le FIDA et la Banque mondiale afin de mettre en place une plateforme qui permettra à ces organisations de contribuer directement aux processus de la CCNUCC.
La pertinence de la KJWA pour les pays ACP
La décision de se concentrer sur le renforcement de la résilience de l’agriculture au changement climatique est particulièrement importante pour les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Leurs économies restent en effet fort tributaires de l’agriculture – un secteur très vulnérable au changement climatique en raison du faible niveau des investissements, en particulier dans les infrastructures hydrauliques et énergétiques. Les changements climatiques se traduiront par une modification géographique des zones de production agricole et d’élevage, ainsi que par des invasions de nuisibles et de ravageurs, et l’apparition de maladies. La hausse des températures devrait ainsi modifier la répartition des plantations de café et de thé dans la Corne de l’Afrique – une grande partie des régions productrices de café de l’Éthiopie devenant par exemple de moins en moins propice à cette culture. Cette réorganisation des terres cultivées aura inévitablement un effet sur la répartition de la main-d’œuvre agricole, et d’importants changements dans la démographie rurale et urbaine sont donc à prévoir. Mais cette évolution favorisera, dans le même temps, l’apparition de nouveaux modèles d’échange de produits agricoles de base. Il conviendra donc de mobiliser davantage d’investissements dans les infrastructures (physiques, organisationnelles et institutionnelles) afin de faciliter ces échanges commerciaux.
La KJWA offre un cadre pour améliorer le soutien aux moyens – tels que le financement, le renforcement des capacités et le transfert de technologies – permettant de procéder aux ajustements nécessaires au niveau des systèmes de production et d’encourager les investissements dans de nouvelles infrastructures. Ce cadre inclut également des dispositions visant à renforcer la capacité d’adaptation et d’atténuation dans le secteur agricole des pays ACP. Dans le cadre de la KJWA, les institutions spécialisées des Nations unies – en particulier la FAO et le FIDA – peuvent être associées à une plateforme et soutenir ainsi les efforts d’adaptation et d’atténuation dans le secteur agricole, grâce à leurs connaissances et leurs informations spécialisées.
Résultats potentiels de la KJWA
La priorité donnée par la KJWA à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets peut orienter un changement transformatif dans le secteur de l’affectation des terres. Dans les pays ACP, l’utilisation efficace des terres se heurte en effet à divers obstacles, notamment l’insécurité foncière, en partie responsable du faible niveau des investissements dans le secteur agricole. Des réformes sont nécessaires pour sécuriser les droits fonciers, en particulier pour les agricultrices et les jeunes agriculteurs. Le changement climatique offre dès à présent aux pays ACP l’occasion de revoir leurs politiques foncières et de mettre en place des régimes fonciers qui permettent aux agriculteurs de s’adapter au changement climatique et d’investir dans des technologies et des pratiques d’atténuation. Cette sécurité en ce qui concerne le statut d’occupation des terres incitera à son tour d’autres secteurs, comme celui des assurances, à investir davantage dans le soutien à la production agricole.
Des investissements doivent aussi être consentis de toute urgence dans le domaine de l’information et des services météorologiques. La KJWA stimulera la demande d’informations ciblées sur le climat afin de soutenir les investissements et les initiatives des agriculteurs en faveur de l’adaptation au changement climatique. Cette demande accrue et ces initiatives stimuleront à leur tour de nouveaux investissements, dans la fourniture d’informations météorologiques et climatiques de qualité et axées sur la demande. La KJWA peut apporter un soutien au renforcement des capacités dans le domaine de la production, du regroupement et de la diffusion d’informations météorologiques et climatiques auprès des secteurs de services concernés, et veiller à ce que ces informations répondent aux besoins des utilisateurs.
En ce qui concerne l’atténuation du changement climatique, la KJWA offre la chance de développer davantage la comptabilisation des émissions à l’échelle des paysages et de soutenir ainsi l’intégration de différentes approches de gestion du carbone du sol et d’initiatives de séquestration du carbone par les forêts, telles que le mécanisme REDD+. De tels efforts peuvent à leur tour soutenir la recherche innovante sur les avantages conjoints de différentes approches d’atténuation, y compris l’intégration des interventions d’adaptation et d’atténuation. Autant de possibilités et d’approches qui doivent servir de base au développement d’interventions généralement désignées sous le terme d’“agriculture intelligente face au climat”.