L’agriculture axée sur les données est-elle l’avenir du secteur agricole ACP ? La réponse la plus succincte serait : cela dépend… C’est bien possible, mais les divers sous-secteurs et acteurs en profitent d’une manière bien différente.
Au niveau du gouvernement – des responsables politiques
Dans un pays, la gestion de la situation du secteur agricole est incontestablement guidée par les données, et les possibilités offertes par la télédétection appliquée à la cartographie et aux prévisions météorologiques (plus fiables), qui aident à mieux comprendre les menaces, se sont réellement améliorées.
Au niveau des entreprises – secteur agroalimentaire
L’échange de données sur les prix s’est amélioré tout au long de la chaîne de valeur et des systèmes plus nombreux permettant de suivre les fournisseurs offrent clairement de meilleures perspectives au secteur agricole.
Pour les petits producteurs
Dans la région Pacifique, WIBDI utilise actuellement des systèmes guidés par les données pour gérer l’approvisionnement des hôtels et des restaurants par les petits agriculteurs biologiques. Ces marchés étaient auparavant peu accessibles en raison de la difficulté pour ces petits producteurs d’assurer un approvisionnement fiable. L’utilisation de systèmes guidés par les données permet de gérer la logistique de l’approvisionnement et le choix des cultures à produire pour les marchés.
Malgré l’avènement de l’agriculture axée sur les données, rien n’indique que le petit agriculteur utilisera toujours les technologies de collecte, d’analyse ou de traitement des données. Il y a souvent de nombreuses étapes entre la communication de données brutes et leur exploitation, et les agriculteurs bénéficient généralement de conseils fondés sur les données via la radio ou le bouche à oreilles et non par le biais des technologies de pointe.
Dans toute la région ACP, l’agriculture est en train d’évoluer et profite de l’éventail de données disponibles. L’amélioration des prévisions météorologiques est d’un grand secours puisque ces données permettent de savoir à quel moment semer et récolter. En outre, la diffusion d’informations bien documentées sur les prix permet aux agriculteurs de privilégier les cultures les plus avantageuses en termes de rendement financier. La disponibilité mondiale des téléphones portables, satellites, drones, capteurs et de l’informatique en nuage a élargi l’éventail des données disponibles et leur application.
Les données satellitaires ouvertes peuvent être utilisées pour déterminer à quel moment irriguer, par ailleurs dans des essais menés dans la Gezira au Soudan, elles ont permis de multiplier par quatre les rendements. Les petits agriculteurs recevaient sur leur téléphone portable un SMS leur indiquant à quel moment irriguer. Cette utilisation exige toutefois de grandes capacités de traitement de la part de l’agence censée interpréter les images satellitaires.
Des initiatives comme GODAN, qui ouvre l’accès aux données du gouvernement et des entreprises peuvent améliorer l’agriculture grâce aux nouvelles possibilités d’analyse et aux nouveaux services fondés sur ces données. Ces services peuvent être proposés via une application, comme c’est le cas du service MUIIS lancé en mars en Ouganda.
L’approche de l’agriculture axée sur les données a montré les gains d’efficacité possibles en termes de rendements et de revenus, mais il faut savoir que ces mêmes données peuvent être utilisées pour réduire l’impact environnemental des activités agricoles et encourager la coopération. Néanmoins, comme toujours lorsqu’il s’agit d’interventions dans ce secteur, des risques existent.
Alors que les technologies ont multiplié les possibilités de collecte de données, la capacité à les exploiter et à les analyser reste aux mains des grandes entreprises. Il est important que les petits agriculteurs sachent que leurs données peuvent être utilisées par des tiers avant d’accepter de les partager. La prise en compte des droits des agriculteurs concernant la façon dont leurs données sont utilisées évite qu’ils ne soient exploités par les grandes entreprises.
La capture et l’analyse des données risquent également d’être entachées de biais de genre si les données ne sont pas ventilées selon le sexe ou si les femmes ne sont pas associées au recueil et à l’analyse des données.
L’agriculture axée sur les données devient une réalité dans les pays ACP grâce aux entreprises privées et au soutien des autorités publiques. Toutes ces possibilités doivent être exploitées en tenant compte du fait que l’agriculteur doit garder le contrôle sur ses propres données afin d’éviter d’être exploité.