Marchés alimentaires
De nouvelles mesures politiques, les zones de libre-échange et les projets numériques transforment les échanges régionaux de produits alimentaires en Afrique et offrent de nouveaux débouchés aux acteurs de la chaîne de valeur agricole.
Une population plus nombreuse, une urbanisation croissante et une classe moyenne en plein essor : autant de facteurs qui expliquent l’augmentation de la demande alimentaire et une plus grande diversité de produits et d’aliments transformés en Afrique. En conséquence, la valeur du marché alimentaire africain devrait augmenter jusqu’à 900 milliards d'euros, d’ici à 2030. Toutefois, selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), le commerce intra-africain ne représentait que 17,6 % du total des exportations africaines en 2017 et les produits agricoles seulement 20,7 % du total des exportations intra-africaines en 2016.
Il est donc nécessaire de renforcer les échanges commerciaux et l’intégration au niveau régional, comme cela a été souligné lors du 58e Briefing de Bruxelles sur le développement consacré au “commerce agricole africain dans un environnement en mutation”. Antoine Bouët, coresponsable du Programme “Mondialisation et marchés” à l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), y a présenté les conclusions de l’Africa Agriculture Trade Monitor 2019 (AATM), une initiative conjointe de l'IFPRI et du CTA. Selon l'AATM, les produits de base représentent toujours la grande majorité des exportations agricoles africaines, lesquelles ne sont donc pas suffisamment diversifiées pour garantir la résilience des échanges. Le coût des exportations sur les marchés africains et internationaux est par ailleurs élevé. Les données clés présentées dans l'AATM et analysées par l’AGRODEP – un réseau africain d'analystes des politiques commerciales – seront utilisées pour informer les décideurs politiques et les acteurs de la chaîne de valeur sur les possibilités d’investissement dans le commerce régional.
Les enseignements des success stories
Ce Briefing a aussi été l’occasion de présenter les principales initiatives politiques visant à aider l’Afrique à relever les défis des échanges commerciaux régionaux, dont la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Lancé en juillet 2019, cet accord devrait stimuler le commerce intrarégional dans un marché africain de 1,2 milliard d'habitants, mais il faut d’abord relever les défis des mesures non tarifaires, des procédures douanières et des infrastructures de transport. D'autres facteurs liés au commerce, tels que l’harmonisation des normes pour la création d’un marché unique et un niveau élevé d'intégration des politiques nationales, soutenu par des mécanismes d’application judiciaire, ont été identifiés comme ayant contribué au succès de la politique agricole commune de l’UE. L’exemple de la PAC pourrait ainsi être utilisé pour documenter les politiques commerciales régionales de l'Afrique, d’après Alan Matthews du Trinity College Dublin en Irlande.
Tirer parti des technologies numériques
“L’Afrique doit absolument développer ses échanges commerciaux intracontinentaux et stimuler la coopération entre les pays du continent”, a souligné Irene Ochem, fondatrice et PDG de l'African Women Innovation and Entrepreneurship Forum (AWIEF), un événement annuel qui vise à mettre en avant la montée en puissance des créatrices d’entreprise et des innovatrices en Afrique. “Il faut donc examiner le rôle que les femmes pourraient jouer dans le processus”, a-t-elle expliqué, en référence à la ZLECA, lors de la récente réunion de l'AWIEF qui avait pour thème Enhancing impact: digitalisation, investment and intra-African trade (Un impact accru : numérisation, investissement et commerce intra-africain)
C’est lors de l'AWIEF qu’a été lancé #VALUE4HERConnect, une plateforme numérique qui vise à aider les femmes entrepreneurs à exploiter les possibilités offertes par la ZLECA. La plateforme mise en place conjointement par le CTA et l'AWIEF compte déjà plus de 400 membres. Elle a pour vocation de mettre des agripreneuses en contact avec des investisseurs et réseaux potentiels. “La plateforme renforcera la capacité des femmes et des jeunes du continent à se lancer dans le commerce transfrontalier des produits agricoles, et à contribuer ainsi à la croissance économique”, affirme Chris Kiptoo, secrétaire principal du ministère du Commerce du Kenya.
Selon Akinwumi Adesina, président de la BAD, les investissements dans les projets et les infrastructures numériques seront essentiels pour promouvoir la mise en place de plateformes de paiement numérique pour le commerce africain et l’émergence d’entrepreneurs du numérique. Pour promouvoir les possibilités de commerce, la Banque ne se contente plus d’investir dans les infrastructures physiques – routes, ports et aéroports – mais finance aussi à présent la création de structures numériques pour renforcer les liens entre les pays africains. “Nous avons ainsi financé le réseau transsaharien à fibre optique, qui relie le Nigeria, le Niger, le Tchad à l'Algérie”, indique Akinwumi Adesina.