Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

“Les jeunes doivent participer aux décisions concernant le développement rural”

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Interview avec Paul Winters

Paul Winters est vice-président adjoint du département de la stratégie et des savoirs du Fonds international de développement agricole (FIDA). Il pointe les facteurs clés pour que les jeunes prospèrent en milieu rural.

Dans son rapport sur le développement rural de 2019, le FIDA s’intéresse à la création d’opportunités pour la jeunesse rurale. Quels sont les facteurs clés de succès ?

Trois facteurs sont fondamentaux pour le développement des jeunes ruraux : la productivité, la connectivité et la maîtrise de son destin, c’est-à-dire l’autonomie. Du point de vue de la productivité, la formation initiale se concentre plutôt sur des compétences cognitives. Les jeunes possèdent donc moins de compétences non cognitives –comme le leadership ou la capacité de travailler en équipe et en réseau – alors qu’elles sont très importantes pour la productivité. Être connecté est également fondamental, soit grâce à des infrastructures traditionnelles comme les routes, ou numériques via des téléphones portables. Il s'agit toujours d'accéder aux marchés et à l’information. Il est par ailleurs évident que vous devez avoir le sens de l’autonomie pour tirer profit des compétences en productivité et des connexions dont vous disposez.

Certains pays sont plus avancés que d’autres sur la voie de la transformation. Comment les autres peuvent-ils combler leur retard ?

De nombreux pays n’investissent que dans les villes, ce qui incite à migrer. Dans les zones rurales, il faut créer des opportunités et l’agriculture peut vraiment être inclusive.

Il est possible d’investir en agriculture pour qu’elle soit durable et qu’elle permette aux petits producteurs de participer.

La majorité des jeunes de l’Afrique subsaharienne vivront de l’agriculture. La question est de savoir s’ils devront pratiquer la même agriculture de subsistance, physiquement épuisante, que leurs parents ou s’ils bénéficieront d’un environnement plus dynamique grâce à des investissements pertinents qui permettront à l’agriculture d’être le moteur du changement dans les zones rurales en créant des opportunités dans et hors des fermes.

Les jeunes peuvent être de très bons entrepreneurs en agriculture. Ils sont très au courant des technologies et savent comment vendre des produits. Au lieu de seulement produire, ils peuvent aussi acheter les produits des autres agriculteurs de leur communauté, les transformer et les vendre, générant ainsi leurs propres revenus mais aussi ceux d’autres jeunes. Nous devons identifier les opportunités dans tout le système alimentaire, pas uniquement au stade de la production agricole.

Le numérique est donc une des clés de la transformation de l’économie. Les infrastructures et les investissements sont-ils à la hauteur ?

Il existe de nombreuses opportunités, notamment grâce à la révolution numérique, mais pour saisir ces opportunités des investissements restent nécessaires et nous devons identifier comment ces investissements peuvent être réalisés au profit des jeunes. On parle beaucoup des marchés virtuels pour remplacer les marchés physiques, avec des plateformes numériques où producteurs et acheteurs peuvent interagir. Mais il faut que quelqu’un crée ces plateformes. Il faut également s’assurer que les acheteurs comme les supermarchés et les restaurants soient impliqués, ainsi que les vendeurs, les agriculteurs ou les organisations de producteurs. Nous devons montrer aux jeunes que le marché existe et qu’ils peuvent y avoir accès grâce à la technologie.

Comment les jeunes peuvent-ils se faire entendre concernant la création d’opportunités qui leur sont destinées ?

Les jeunes sont souvent exclus des processus d’élaboration des politiques publiques et des décisions qui affectent leur vie. Il est même très rare qu’un ministre de la Jeunesse soit lui-même jeune et les groupes de travail qui collaborent avec les gouvernements sur les questions relatives aux jeunes ne comptent souvent que très peu de jeunes.

Le rapport 2019 du FIDA sur le développement rural pointe le besoin d’un engagement actif des jeunes dans l’élaboration des politiques publiques. Cela ne veut pas dire qu’il faille créer une assemblée de jeunes, mais que ceux-ci devraient être inclus dans les débats sur le développement rural et les investissements afin d’être partie prenante du processus de prise de décision. 

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