Promouvoir l’agriculture de conservation en Afrique de l’ouest et du centre, tel est l’objectif d'un projet validé lors d’un atelier organisé par le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), le mois dernier.
Porté par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Organisation - FAO) et le CORAF, le Promaca [« Promotion de l’Agriculture de Conservation en Afrique de l’Ouest et du Centre »] vise à instiguer un changement de paradigme dans les techniques culturales, avec le double objectif de l’accroissement de la production alimentaire et de la préservation de l’environnement.
« L’agriculture de conservation est une technologie qui facilite une meilleure conservation de l’eau dans les sols et permet aux plantes de traverser les poches de sécheresse sans grande difficulté », explique Niéyidouba Lamien, coordonnateur régional du Programme de productivité agricole en Afrique de l’ouest (PPAAO) au CORAF.
Les poches de sécheresse s’observent lorsqu’après les cultures, on assiste à un arrêt brusque des pluies, ce qui peut créer un déficit d’humidité dans les sols, auquel les plantes survivent difficilement.
Le pédologue Sidafa Condé, directeur national adjoint de l’agriculture de la République de Guinée, précise que « l’agriculture de conservation est basée sur trois principes : le labour minimum du sol, la rotation des cultures et la couverture du sol ».
Tandis qu’elle est déjà fortement répandue en Afrique orientale et australe, l’agriculture de conservation n’est actuellement pratiquée que sur 2,7% des superficies cultivées en Afrique de l’ouest et du centre, selon le CORAF.
Modèle
C’est en cela que les deux institutions, partageant la même vision de promouvoir une agriculture plus résiliente vis-à-vis des changements climatiques dans un contexte marqué par une démographie galopante et donc des besoins alimentaires croissants, ambitionnent de porter ce pourcentage à 20%, à travers ce projet et de faire de l’agriculture de conservation, un modèle.
Les impacts escomptés sont multiples, selon les experts. « Le premier impact est l’augmentation de la productivité des terres », explique Sidifa Condé, producteur de semences.
L’intéressé ajoute qu'au-delà de la productivité, « il faut espérer un fort impact positif sur la biodiversité et l’environnement, sans oublier l’amélioration des conditions de vie et de la santé des producteurs et des consommateurs ».
Joseph Mpagalile, ingénieur agricole à la FAO et spécialiste de la mécanisation agricole durable, estime pour sa part que le projet est une grande opportunité pour les jeunes et les femmes, car « la mécanisation et l’innovation sont importantes pour ramener les jeunes à l’agriculture ».
« La technologie sollicitant moins d’efforts physiques, les femmes pourront ainsi pratiquer l’agriculture de façon plus aisée et auront également plus de temps à consacrer à d’autres travaux », déclare-t-il à SciDev.Net.
Quant aux jeunes, ils seront impliqués de diverses manières, selon l’expert. Joseph Mpagalile explique qu’ils pourront par exemple acquérir des équipements et fournir des services de mécanisation aux petits exploitants.
« Ils pourront également utiliser les nouvelles technologies telles que les drones et les applications pour aider à collecter des données et assurer le suivi » de l'évolution des techniques culturales, ajoute-t-il.
Le rôle de chacune des organisations partenaires dans ce projet est clair, fait savoir le coordonnateur régional du PPAAO.
Défis
« La FAO jouera son rôle technique d’accompagnement des États en matière de développement et de transformation de l’agriculture », estime Niéyidouba Lamien, avant d’ajouter que « le CORAF étant une association des systèmes nationaux de recherche de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, son rôle dans l’exécution du projet sera de faire adopter la technologie par les producteurs ».
Joseph Mpagalile poursuit de son côté, estimant que « la FAO est une organisation avec beaucoup d’expertise technique ; elle fournira un support technique au CORAF dans le cadre du projet, par exemple pour la recherche de potentiels donateurs ».
Concernant les potentiels donateurs, « le projet sera soumis pour financement à des institutions telles que la Banque africaine de Développement, l’Union Européenne, la Banque mondiale, l’USAID », assure Niéyidouba Lamien.
Les experts n’occultent cependant pas les défis qu’il faudra surmonter pour atteindre les objectifs du projet. Sidifa Condé en relève trois : le changement de mentalité des producteurs, l’accompagnement du pouvoir politique et le défi scientifique.
Selon lui, « il faut que la communauté scientifique mette à disposition des technologies pour améliorer la productivité sur les terres relativement dégradées. »
Après la validation du projet, suivra la phase de mobilisation des ressources auprès des donateurs ; on peut alors espérer la phase de démarrage du projet pour le second semestre de 2019, selon Niéyidouba Lamien.
Bilal Taïrou