L'achat massif de terres agricoles en Afrique par certaines puissances étrangères constitue une menace à la fois pour le développement et la sécurité alimentaire des régions concernées.
Logiquement, les Africains peuvent acquérir des terres en Afrique à des fins agricoles. Mais il y a parfois un fossé entre ce qui est prévu par la loi et ce qui est fait. Des agriculteurs locaux acquièrent ainsi des terres dont ils sont par la suite dépossédés, les puissances étrangères remettant de plus en plus en cause la propriété foncière par les Africains en Afrique.
Espace africain cultivable concédé à des investisseurs chinois
Yabg Haomin, le président de Shaanxi Farm Agribusiness Corporation, une société agricole provinciale de Chine, a mis pieds au Cameroun pour la première fois en décembre 2015, à l’invitation du Cameroun et sur ordre de Pékin, pour investir dans le domaine agricole.
Par ce voyage, l’homme d’affaires d’Etat chinois venait conclure au bout de six semaines de négociations ce qu’il n’avait pas pu en plusieurs années obtenir de l’Afrique du Sud, de la Russie, de l’Ukraine et du Brésil.
Quatre ans plus tard, en 2019, on estime à 125 mille hectares de terres agricoles occupées par la chine au Cameroun. Jean Ferdinand Pierre Ebong, consultant financier parle d’accaparement de terre à des fins agricoles :
"Ce genre de démarche par les chinois est dangereuse pour les Camerounais. Ce secteur étant dormant, ceux qui ont les moyens financiers, entre guillemets, s’accaparent les terres. C’est avec désolation que je crie au scandale !"
Jean Ferdinand Pierre Ebong est radical sur l’exploitation des terres camerounaises par les étrangers.
"Un Camerounais ne peut pas aller acheter les terres en Chine pour produire le riz là-bas, ce n’est pas possible. S’ils produisaient et que c’était au bénéfice des Camerounais, ce serait encore plausible. C’est-à-dire 70% restent au Cameroun, et 30 % à la Chine."
Avec environ 1,5 milliard d’habitants, la Chine compte 20 % de la population mondiale. Mais elle ne dispose que de 9 % des surfaces agricoles et 6 % des réserves en eau douce de la planète. Elle a donc jeté son dévolu sur le berceau de l’humanité, l’Afrique, dont 80% des terres arables sont libres.
Les autres pays à la recherche de terres étrangères
Mais pour Charles Sielenou, expert agricole et fondateur d’Action Sociale Africaine qui opère dans l’agriculture, la santé et l’éducation, il n’y a pas de quoi s’en prendre à la chine. Car la Chine, avec moins d’un million d’hectares de terres agricoles en Afrique, arrive loin derrière les grands acquéreurs terriens sur le continent, que sont les Emirats arabes unis (1,9 million d’hectares), l’Inde (1,8 million d’hectares), le Royaume-Uni (1,5), les USA (1,4), et l’Afrique du Sud (1,3). Charles Sielenou soutient néanmoins que l’Afrique a encore de quoi tenir en respect les grandes puissances en matière alimentaire les années à venir :
"Pour moi, les terres africaines, c’est notre bombe atomique à nous. C’est notre arme de dissuasion. Nous serons plus de deux milliards en 2050. Le monde aura des problèmes pour se nourrir. Nous avons l’essentiel des terres agricoles non encore mises en exploitation. Mais nous pouvons nous saisir de cette opportunité pour peser dans le rapport de forces géostratégiques."
Du Japon en Corée, en passant par la Chine, du Canada en Europe, en passant par les Etats-Unis, les produits chimiques ont endommagé les terres agricoles qui produisent de moins en moins alors que la population croît.
En Afrique, l'accaparement des terres a pris de l'ampleur à partir de 2008, date de la crise financière mondiale et des émeutes de la faim sur le continent. Hormis le biocarburant, les sociétés misent surtout sur le blé, le riz et le maïs qui constituent 75% de la demande des céréales dans le monde.