L'agro-industrie est-elle l'avenir du développement en Afrique ? C'est ce que pense un groupe de travail sur l’Afrique rurale. Un groupe d’experts indépendants constitué en mai 2018, dans le cadre du renforcement de la coopération entre les 2 continents dans le domaine de l’Agriculture. Il recommande notamment le développement des investissements publics et privés dans ce secteur.
Le groupe de travail sur l'Afrique rurale fait des recommandations déclinées en 4 thématiques. Bruno Losch, économiste au CIRAD, le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
« La mise en œuvre d’une approche territoriale relativement novateur dans le débat sur les politiques publiques en Afrique. Le 2e champ d’action c’est d’avoir véritablement une approche en ce qui concerne la gestion et le développement durable des ressources naturelles, notamment pour l’adaptation aux changements climatiques. Le 3e champ d’action c’est sur une approche transformationnelle de l’agriculture africaine ; les choix organisationnels et technologiques de l’agriculture africaine du 21e siècle devront être innovants. Le 4e champ stratégique c’est bien sûr de développer l’agro-industrie. »
Pour que la croissance en Afrique soit durable, le continent doit créer entre 16 et 18 millions d’emplois par an. L’Agriculture et l’agro-industrie ont un potentiel considérable de création d'emplois. Leonard Mizzi, Chef d'unité à la Commission européenne, direction générale de la coopération internationale et du développement - Développement rural, sécurité alimentaire et nutrition.
« Il n’y a pas suffisamment de transformation agricole en Afrique jusqu’à maintenant. Pour les intérêts de l’Afrique et des petits producteurs, on doit donner nos outils financiers, avec du soutien budgétaire quand il le faut, mais aussi des incitations pour les secteurs privés africain et européen d’investir dans l’agriculture, parce que le défi principal c’est que l’investissement dans l’agriculture et dans l’agro-industrie est encore risqué en Afrique. Donc pour nous, la grande priorité est de dé-risquer avec des instruments et des garanties pour des investissements plus durables dans l’agriculture et l’agro-industrie. »
Le développement du secteur agro-industriel pourrait-il se faire au profit quasi exclusif des zones urbaines ? Josefa Leonel Correia Sacko, commissaire de l’Union africaine chargée de l’Agriculture, de l’économie rurale et de l’environnement.
« Quand on dit une approche territoriale, elle est aussi rurale. Normalement, on ne met pas beaucoup l’accent sur le développement rural. Donc, si on veut réduire la pauvreté sur notre continent, c’est en zone rurale qu’on doit travailler. Mais je ne dis pas qu’on va oublier l’urbain. »
Quel effet peut avoir le rapport du groupe de travail sur l’Afrique rurale dans des pays qui négligent l’Agriculture depuis des décennies, comme l’Angola et le Congo-Kinshasa ? Michel Baudouin, Professeur d’agro économie. Il a travaillé dans les secteurs publics et privés pendant 38 ans en Afrique et en Asie.
« C’est là où sans doute il pourrait avoir le plus d’impact. Le problème essentiel en RDC, c’est qu’il n’y a pas de politique agricole robuste et que l’ensemble des bailleurs de fonds et le gouvernement se concentrent sur des centaines, si pas des milliers de projets, mais sans faîtière. Et donc l’impact de ces projets sur la pauvreté rurale est très faible. La pauvreté rurale augmente, alors que l’on a investi des montants considérables. Je pense donc que c’est là que le rapport est sans doute très pertinent, pour dire oui il faut des projets sur le terrain, oui il faut des investissements publics et privés. Mais il faut d’abord une politique robuste en faveur des petits producteurs et de l’agriculture. »
Réunissant des experts indépendants, le Groupe de travail sur l’Afrique rurale avait commencé ses travaux en mai 2018. Sa constitution est le fruit d’une recommandation du 5ème sommet Afrique – Union européenne qui s’est tenue à Abidjan fin novembre 2017.
Stanislas Ndayishimiye