À la recherche de capitaux, les agriculteurs burkinabè pourront désormais se tourner vers cette institution bancaire spécialisée dans le financement agricole.
L'enjeu est d'augmenter la production non seulement pour nourrir le pays, qui est passé de 4 millions d'habitants en 1950 à 20 millions en 2018, mais aussi pour dynamiser un secteur phare de l'économie. Au Burkina Faso, l'agriculture occupe 80 % de la population et représente 30,3 % du PIB du pays, en plus d'être un secteur pourvoyeur d'emplois et de devises après l'or. Les besoins en investissements sont donc énormes. Pourtant, peu d'agriculteurs ont accès aux financements. Selon les statistiques, seulement 15 % de ces acteurs du monde rural bénéficient de prêts. Un taux que le gouvernement prévoit de modifier rapidement avec le lancement d'une banque agricole, la BADF (Banque agricole du Faso). L'établissement bancaire démarre ce 29 mars ses activités dans la capitale de Ouagadougou, avant l'ouverture de bureaux à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, courant mai, et à Dédougou, à l'ouest du pays, dès septembre.
Répondre aux défis de la finance agricole
« Cette banque est à vous. Il faut en prendre soin », avait déclaré l'ancien Premier ministre Paul Kaba Thiéba aux représentants de l'industrie, avant d'ajouter : « À la lumière de toutes ces observations, la mise en place de la BADF est bien justifiée. Cela peut aider à relever les nombreux défis pour corriger les faiblesses structurelles de ce secteur si stratégique. » « Nous avons l'intention de révolutionner l'agriculture en augmentant la productivité et en stimulant les coopératives avec la BADF, a t-il encore expliqué. La particularité de la Banque agricole du Faso, c'est qu'elle est conçue pour les paysans, pour l'agriculture, pour l'élevage. Il va sans dire que ce n'est pas une banque comme les autres, sa vocation est de procéder à la transformation de l'économie burkinabè. » L'accès à des services financiers adaptés – services de crédit, d'épargne, de paiement et d'assurance – est un élément central et nécessaire à l'amélioration de la productivité.
Doté d'un capital de 14,2 milliards de francs CFA, soit 21,8 millions d'euros, ce qui est exigé par la réglementation bancaire de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), cette nouvelle institution bancaire est le fruit de l'expertise nationale, qui s'est inspirée des modèles sénégalais et ivoiriens. L'État s'est déjà engagé à travers le Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES), la loterie nationale du Burkina ou encore la caisse de retraite des fonctionnaires ainsi que des privés locaux. À terme, la BADF va permettre de pousser les périmètres de garantie des banques classiques au secteur de l'agriculture. « La Banque agricole du Faso est très importante dans ma vision pour un Burkina prospère dont l'agriculture, l'élevage et les autres activités de production sont les maillons essentiels de l'économie », a annoncé le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré.
Les attentes des acteurs du monde rural
Et l'enjeu est de taille puisque toutes les banques agricoles mises en place jusqu'à présent n'ont pas résisté et, depuis 1993 et l'instauration de la première Journée nationale du paysan à Léo (centre-ouest du pays), que les agriculteurs du Burkina Faso ont exprimé le souhait d'avoir une banque spécialisée dans leur secteur. « Aujourd'hui, ce rêve est devenu une réalité dans la mesure où la banque vient d'être approuvée, et c'est une fierté pour les agriculteurs de voir aujourd'hui qu'un instrument de financement de nos activités a été mis à notre disposition. C'est un instrument important en ce sens que, dans tous les documents, nous parlons d'agriculture de subsistance. Toutefois, aujourd'hui, avec le financement, je pense que nous passerons à l'entrepreneuriat agricole et irons au-delà », a déclaré Ba Siaka Dao, président de la Confédération paysanne du Faso. « Nous pensons qu'avec cet instrument notre agriculture va sortir de l'ornière de la pauvreté. Nous allons redynamiser toutes nos coopératives et permettre à nos acteurs d'être des acteurs économiques et d'avoir des revenus décents », espère cette figure respectée du monde agricole.