Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Soutenons les dispositifs de conservation !

Opinion

 

Payer pour utiliser la diversité génétique mondiale des plantes ? Que de questions en une seule !

Pourquoi payer ? Qui devrait payer ? A qui ? Combien ? Et puis, de quelle diversité parle-t-on : de celle du maïs, utilisée par les grandes entreprises semencières, ou de celle du fonio, céréale dite « mineure » de l’agriculture familiale en Afrique de l’ouest ? De la diversité des plantes cultivées conservée dans des banques de semences, de celle maintenue par les agriculteurs ou de la diversité des espèces sauvages apparentées présentes dans la nature? De la diversité « matérielle » (les semences) ou « immatérielle » (données d’évaluation agronomique ou moléculaire, données de séquences, connaissances traditionnelles associées) ?

Je pose toutes ces questions pour montrer à quel point la question de départ est d’une complexité que n’avaient peut-être pas soupçonnée ses auteurs, et pour m’excuser par avance de ne la traiter qu’imparfaitement dans ces quelques lignes.

Pour simplifier un peu la question, plaçons-nous dans le seul cas de la conservation dite ex situ de ressources phytogénétiques, c’est-à-dire par des banques de gènes. Plaçons-nous également dans l’hypothèse (certes optimiste) où est résolue la question du partage des avantages découlant de l’utilisation de ressources phytogénétiques, notamment dans le cas d’avantages monétaires tels que les bénéfices tirés de l’exploitation d’une variété commerciale, que ce partage se fasse dans le cadre de la mise en oeuvre du Protocole de Nagoya ou de celle du Traité international sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation.

Il n’est donc ici question que d’un éventuel paiement pour accéder aux ressources génétiques, à l’information associée et pour les utiliser, pas de royalties sur les bénéfices réalisés à l’issue de leur utilisation. Ce paiement devrait alors logiquement contribuer à couvrir le coût de la conservation, afin d’en garantir la durabilité des dispositifs. Faire payer aux utilisateurs une quote-part des coûts pourrait de plus favoriser une reconnaissance des métiers de la conservation, davantage que la participation habituelle aux frais d’expédition.

On notera qu’estimer les coûts complets de la conservation au sens large (incluant collecte, caractérisation, gestion de l’information, etc.) n’est pas si facile. Car les banques de gènes ne sont pas seules à intervenir d’un bout à l’autre de la chaîne : la collecte d’échantillons et l’évaluation agronomique et moléculaire des collections peuvent ne pas être de leur fait mais de celui de programmes de recherche. Mais supposons que des estimations satisfaisantes puissent être réalisées.

Leur utilisation mal comprise peut engendrer un premier danger, celui d’un désengagement progressif des États du soutien aux dispositifs de conservation, laissant à ces derniers le soin de développer un modèle économique couvrant leurs coûts et leur permettant une autonomie financière. Or d’une part cette approche n’est certainement pas viable pour toutes les banques de gènes. Mais surtout, je crois qu’il revient aux États, individuellement ou ensemble, de préserver ce patrimoine de l’humanité qu’est la diversité biologique.

Car ce désengagement pourrait engendrer un second danger, celui de favoriser l’émergence de marchés pour les ressources génétiques. Certes, encourager les dispositifs de conservation ex situ à s’autofinancer pourrait avoir un effet vertueux, en les incitant à améliorer la qualité de leurs services pour être plus compétitifs. Mais outre que d’autres mécanismes incitatifs existent à cette fin, un effet pervers pourrait être la mise en place de tarifs différenciés selon les ressources concernées, et donc de favoriser la concentration des activités de conservation et d’évaluation sur des espèces ou des ensembles d’échantillons pour lesquels la demande est la plus forte. Cela pourrait induire à terme l’abandon de la conservation pour des espèces ou des pools de diversité sous-utilisés.

Pour éviter ces dérives, il est souhaitable que le paiement pour accéder aux ressources phytogénétiques et les utiliser soit limité à une participation aux frais symbolique et accessible aux plus grand nombre, et que les dispositifs de conservation continuent à être soutenus par la puissance publique.