Cette question, nous la posons depuis de nombreuses années dans le cadre de l’Étude comparative mondiale sur REDD+ du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR). Les mesures de sauvegarde du REDD+ énoncées dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques insistent sur les “bénéfices non carbone” du REDD+, à savoir la promotion des droits, la participation et les cobénéfices sociaux.
Le succès du REDD+ dépend ainsi de la réduction des émissions de carbone, d’une part, et de l’amélioration – ou du moins la protection – des droits et du bien-être des populations dont les forêts (et souvent le déboisement) assurent l’essentiel des moyens d’existence, d’autre part.
Dans le cadre de l’Étude comparative mondiale sur REDD+, nous évaluons depuis 2010 l’impact des interventions REDD+ sur 22 sites infranationaux REDD+ au Brésil, au Pérou, au Cameroun, en Tanzanie, en Indonésie et au Vietnam. Aux fins de cette évaluation, nous associons à l’analyse des données sur l’évolution du couvert forestier mondial des enquêtes socio-économiques longitudinales dans 150 communautés et près de 4 000 ménages par le biais d’une approche BACI (before-after-control-intervention, comparaison avant-après/témoin-intervention) afin d’évaluer l’impact conjoint du REDD+ sur les forêts et les populations.
À ce jour, l’impact du REDD+ sur les forêts et le bien-être humain reste limité. Un article paru récemment dans Environmental Research Letters met en avant une réduction de la perte du couvert forestier au niveau des villages dans la moitié environ des sites REDD+ faisant l’objet de l’étude, et aucun changement par rapport aux zones témoins sur un tiers des sites. Un autre article publié dans Forests indique que REDD+ n’a pas encore réellement modifié la perception, au niveau local, du bien-être ou de la suffisance des revenus sur les sites étudiés. Ces conclusions pourraient s’expliquer par une série de facteurs. Tout d’abord, l’horizon temporel de notre évaluation est à très court terme (2-3 ans pour la période “après”). Ensuite, REDD+ n’a pas été financée comme prévu initialement, ce qui limite l’intensité des interventions sur le terrain. Enfin, l’ensemble des interventions REDD+ est relativement diversifié, ce qu’exige sans doute une phase pilote : les paiements conditionnés par l’utilisation des sols pour services environnementaux ont un moindre impact que les investissements (non conditionnels) dans les moyens d’existence durables, mesure que l’on retrouve aux côtés des mesures facilitatrices (par ex. clarification du statut des terres) et des mesures dissuasives (par ex. restriction d’accès aux forêts ou conversion). Il y a lieu de mieux comprendre quelles sont les mesures de cet ensemble – pour l’instant appliquées à un degré limité – qui ont été les plus efficaces, respectivement pour les forêts et les populations.
Nous disposons pourtant déjà d’éléments qui prouvent que les sauvegardes sociales du REDD+ jouent un rôle important dans la gestion du compromis entre les bénéfices carbone et non carbone. De nouvelles conclusions (Ecology & Society) montrent que, si les restrictions majeures ont été les plus efficaces pour limiter le déboisement, elles ont eu un impact négatif sur la sécurité d’occupation des terres et la perception du bien-être au plan local. Toutefois, lorsque le paquet de mesures incluait des incitants à l’amélioration des moyens d’existence, l’impact négatif sur le bien-être s’en trouvait atténué, et le potentiel de ces mesures en termes d’atténuation du poids des restrictions en matière d’utilisation des terres en était renforcé. L’article montre que, si les petits exploitants étaient généralement conscients de l’existence d’initiatives REDD+ au niveau local, ils ne participaient que de manière limitée aux décisions portant sur quelles interventions mettre en œuvre et comment.
Revenons donc à notre question. REDD+ peut-elle apporter des avantages aux populations pauvres ? La réponse est “oui, en principe”. Toutefois, il semble que REDD+ ait davantage d’impact sur la réduction de la pauvreté lorsque les droits et les moyens d’existence au niveau local figurent vraiment au rang des priorités de l’action, lorsque les populations locales sont réellement associées à la conception et à la mise en œuvre du programme et lorsque des approches efficaces d’évaluation d’impact ont été mises en place pour un suivi approprié de l’impact social du REDD+.