Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Même les meilleurs gadgets ne suffiront pas à pousser les jeunes vers l’agriculture

Opinion : Digitalisation

 

Non, certainement pas. Voilà la réponse courte et honnête à la question de savoir si, à elle seule, la digitalisation suffira pour attirer les jeunes vers l’agriculture.

IGI Global, une société d'édition universitaire internationale, définit la digitalisation comme “l’intégration des technologies numériques dans la vie quotidienne par la numérisation de tout ce qui peut être numérisé”. Cette définition laisse entendre que la digitalisation de l’agriculture impliquera donc d’intégrer la technologie dans presque tous les aspects de l’agriculture. Il s’agit d’une perspective impressionnante, mais qui ne suffira pas pour convaincre d’un coup de baguette magique la jeunesse africaine.

La difficulté d’attirer les jeunes vers le secteur de l’agriculture n’a jamais été due à l’absence de technologie. De manière subliminale, la société africaine a toujours réservé la chaîne de valeur agricole à ses membres semi-alphabétisés, analphabètes et pauvres. Nous ne savons pas comment cela s’est produit, mais les faits sont là. Pour une raison ou une autre, toute personne déclarant travailler dans l’agriculture s’attire immédiatement des regards condescendants. Cette stigmatisation des travailleurs agricoles, et plus particulièrement des petits agriculteurs, ne peut être minimisée. Les jeunes – en particulier ceux qui ont fait des études – y pensent quand ils ont la possibilité de s’engager dans le secteur agricole. Qu’est-ce que les gens vont penser de moi ? Quand j’irai boire un verre avec des amis, est-ce que je voudrai vraiment me présenter comme un agriculteur ? Même des bottes en caoutchouc connectées au wifi ne peuvent faciliter cette décision. Les agriculteurs eux-mêmes ne s’attendent pas à ce que leurs enfants instruits finissent par travailler à la ferme : ils veulent que leurs enfants aient une meilleure vie que la leur.

Dans la plupart des pays d’Afrique, les activités agricoles ou liées à ce secteur se déroulent essentiellement en dehors des zones urbaines. La plupart des jeunes urbains n’aiment pas l’idée de quitter la ville pour s’installer dans les provinces rurales où ont lieu la plupart des activités agricoles. Par conséquent, seuls les jeunes ruraux sont disposés à se lancer dans l’agriculture et, malheureusement, ils commencent seulement à se familiariser avec la technologie. Il nous est parfois arrivé de passer une journée entière à expliquer à des jeunes comment se connecter à une plateforme d’inventaire qui permettrait de faciliter considérablement leur travail. Une journée entière pour simplement leur expliquer comment se connecter : imaginez combien de temps il faudrait pour leur apprendre à utiliser concrètement cette plateforme.

S’ils ont le choix, bon nombre de jeunes ruraux préféreront travailler sans la technologie numérique, afin d’éviter tout embarras. Dans certaines communautés, nous avons dû revenir aux formulaires en papier et aux crayons parce que les utilisateurs (principalement des jeunes) avaient vraiment beaucoup de mal à utiliser la technologie.

Alors que la technologie fait de plus en plus partie intégrante de notre quotidien, la digitalisation de l’agriculture représente une excellente occasion de commencer à attirer l’attention des jeunes. Quelques processus digitaux ici et là éveilleront leur intérêt, mais ne vous attendez pas à ce que cet intérêt dure longtemps. Il est nécessaire d’investir beaucoup de temps dans l’éducation et d’éradiquer les préjugés liés à l’agriculture. Les jeunes urbains d’Afrique ont besoin d’incitations pour se décider à déménager dans les provinces rurales pour y travailler dans l’agriculture. Leur maîtrise plus naturelle de la technologie signifie que ces jeunes adopteront les technologies numériques et, avec un peu de chance, les jeunes ruraux s’habitueront alors rapidement à l’idée de combiner agriculture et technologie. Non par amour de l’agriculture ou de ces technologies, mais simplement parce qu’ils veulent ressembler aux jeunes urbains.