Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Les agriculteurs ont juste besoin de savoir où chercher

Opinion

 

L’objectif de la propriété intellectuelle est d’octroyer, sur des biens immatériels, un droit privatif qui vise, notamment, à encourager l’innovation car elle permet aux innovateurs d’obtenir l’indemnisation, voire la rémunération, de leur investissement.

Plusieurs droits de propriété intellectuelle ont vocation à s’appliquer aux semences : d’une part, les marques et les indications géographiques permettent de valoriser un produit ou une semence en protégeant un nom ; d’autre part, les brevets et les certificats d’obtention végétale (COV) protègent notamment une invention ou une nouvelle variété végétale.

En théorie, les grands semenciers industriels comme les petits agriculteurs devraient pouvoir bénéficier de la protection offerte par la propriété intellectuelle qui est un outil universel, accessible à tous. Pourtant, dans les faits, ces droits et tout particulièrement le brevet paraissent d’abord réservés aux grandes structures. Non seulement, les coûts de dépôt et de maintien d’un brevet ou d’un COV sont prohibitifs pour les petits agriculteurs, mais aussi le catalogue officiel des variétés verrouille le marché en le limitant aux variétés respectant les critères de distinctivité, stabilité et homogénéité, voire aux variétés à valeur agronomique, technologique et environnementale. Or, les coûts de développement de ces semences puis de leur inscription et de leur maintien dans le catalogue officiel ferment de fait ces marchés aux petits agriculteurs.

Explorer les options accessibles

Toutefois, la propriété intellectuelle recèle des mécanismes qui ne sont pas dénués d’intérêt pour les petits agriculteurs. Il ne faut pas hésiter à exploiter ce qu’offrent les régimes des droits de propriété intellectuelle qui prévoient des exceptions aux droits privatifs, plus ou moins ouvertes et faciles à mettre en œuvre, même si leurs conditions d’application sont limitées.

Par exemple, le droit des obtentions végétales a été initialement pensé pour s’adapter tout particulièrement aux spécificités du monde végétal. Il prévoit notamment le “privilège de l’agriculteur” qui lui permet, sous certaines conditions, de réutiliser les semences qu’il a lui-même récoltées pour réensemencer son exploitation l’année suivante (semences dites “de ferme”).

Certes, les conditions sont extrêmement limitatives et les réformes successives le restreignent toujours plus. La réglementation européenne limite par exemple le recours aux semences de ferme à une liste exhaustive de variétés. Néanmoins, le Règlement européen sur le COV (Règlement n° 2100/94) prévoit spécifiquement le cas des petits agriculteurs qu’il exonère de l’obligation de payer la redevance due à l’obtenteur quand ils ont recours aux semences de ferme. Une exception similaire existe également pour le brevet.

La valeur des indicateurs géographiques

Une autre voie alternative mérite d’être envisagée. Elle présente l’avantage d’ancrer les variétés dans un territoire. En effet, les indications géographiques peuvent en principe offrir un moyen de protéger des semences paysannes en valorisant les variétés adaptées à leur environnement.

Réaffirmer le lien très fort qui peut exister entre une variété et le terroir dont elle est issue paraît pertinent. Les variétés sont par nature adaptées à un sol particulier et à des conditions climatiques qui leur sont propres. Or, le mouvement d’industrialisation des semences, et particulièrement l’homogénéisation et la stabilisation des variétés, ne prend que très mal en compte ces spécificités. En France, la reconnaissance comme indication géographique protégée du thym de Provence ou bien encore du piment d’Espelette comme appellation d’origine protégée a ainsi permis de valoriser des variétés locales.

Les indications géographiques constituent donc un moyen collectif de relocaliser les variétés dans leur territoire et permettent de les valoriser tout en s’assurant qu’elles font l’objet d’un usage collectif. Elles offrent en outre un moyen de protéger à la fois la ressource biologique et les savoirs qui y sont associés.

Ouvrir le marché

Enfin, la philosophie des licences creative commons, transposée aux semences agricoles, pourrait ouvrir de nouvelles opportunités. Les licences creative commons,développées par l’association du même nom, permettent aux titulaires de droits d’auteur d’accorder des licences plus ouvertes favorisant la diffusion des œuvres protégées par le droit d’auteur. Créer une licence de ce type permettrait à plus ou moins long terme d’offrir aux agriculteurs des semences qu’ils pourraient échanger, acheter et améliorer plus librement. Cette piste reste néanmoins conditionnée à une ouverture plus large du marché aux semences paysannes.