De nombreux gouvernements et bailleurs de fonds, ainsi que le secteur privé, s'emploient à résoudre la myriade de problèmes auxquels les petits exploitants agricoles d’Afrique doivent faire face, jour après jour, notamment celui de l’accès aux marchés et au soutien agronomique. Toutefois, des progrès beaucoup plus grands pourraient être accomplis si les agriculteurs étaient associés à la résolution des problèmes qui les concernent. La technologie mobile pourrait aujourd’hui y contribuer.
Alors que les secteurs financier, des transports et des biens de consommation courante recueillent des données pertinentes à partir de gigantesques sources de données et les transforment en informations en temps réel et exploitables, l’agriculture reste à la traîne de la révolution mobile et numérique, d’où les faibles volumes de données générées dans ce secteur. Pourtant, à une époque où le taux de pénétration de la téléphonie mobile atteint des records partout dans le monde, la déconnexion des agriculteurs de leurs pairs ou du reste du monde n’est plus une fatalité. La solution à leurs problèmes pourrait littéralement être entre leurs mains.
Pour les entreprises d’agritech des marchés émergents, le principal obstacle est le manque de données primaires sur les agriculteurs, comme leur géolocalisation exacte, la superficie des terres qu’ils cultivent, les dates de production, etc. Autant de données pourtant essentielles pour mettre en place des systèmes efficaces permettant de rapprocher les agriculteurs des marchés émergents de l'agriculture de précision. Soucieux de la confidentialité et de la sécurité de leurs données, les agriculteurs hésitent toutefois à partager “leurs” informations. Pourtant, les avantages qu’ils peuvent tirer du partage confidentiel de leurs données avec des entreprises d’agritech qui œuvrent, pour leur plus grand bien, à la transformation du secteur agricole l'emportent sur ces craintes.
Meilleure planification et action collective
Dans la plupart des marchés émergents, les agriculteurs dépendent de l'agriculture pluviale. Tous les agriculteurs d’une même région doivent donc planter à peu près au même moment, et, dans la plupart des cas, la même chose. Cette situation est à l’origine d’une offre excédentaire de mêmes produits dans la région, qui entraîne les prix à la baisse pendant la saison des récoltes. Or, si les agriculteurs pouvaient communiquer sur ce qu’ils cultivent, en précisant les quantités et la date exacte des semis, cet excédent pourrait être évité puisqu’ils seraient en mesure de prévoir les volumes de production pour certaines cultures dans leur région.
Imaginez qu’un agriculteur envoie un SMS signalant : “Je veux planter un demi-hectare de pommes de terre à Arusha” et qu’il reçoive quelques secondes plus tard un SMS lui indiquant : “Dans un rayon de 30 km, 1 000 agriculteurs ont planté des pommes de terre cette saison. Nous prévoyons que les prix seront très bas. En revanche, seulement 100 agriculteurs plantent des tomates et nous nous attendons donc à des prix élevés. Ne pourriez-vous pas plutôt planter des tomates ou différer d’une semaine votre date de plantation de pommes de terre ?” Pour qu’un tel système fonctionne, il faut qu’une masse critique d'agriculteurs partagent leurs informations et qu’ils n’en fassent pas un mauvais usage, pour évincer leurs concurrents, par exemple. Cette approche pourrait également être bénéfique pour les agriculteurs pendant la période de récolte, en leur permettant de vendre collectivement leur production après avoir été informés de qui vend quoi, où et quand.
Efficacité de la gestion agricole
L'agriculture est régie à la fois par la science et les marchés et, quelle que soit son expérience, un agriculteur n’a pas toutes les données en main pour prendre les bonnes décisions. La technologie peut donc permettre aux agriculteurs d'exploiter des données détaillées sur le fonctionnement des exploitations, les zones qui exigent l’application de plus grandes quantités d’engrais, les terres à irriguer – et à quel moment – et sur les nuisibles et maladies à surveiller, en fonction des conditions météorologiques. L'accès à ces informations permet aux agriculteurs de réduire leurs coûts de production et d’obtenir des rendements maximums, tout en minimisant les risques.
Il y a quelques années, les agriculteurs regardaient le ciel pour savoir quel temps il allait faire. Les conditions météorologiques sont devenues aujourd’hui si imprévisibles qu’ils ont du mal à bien planifier les activités agricoles. L'emplacement exact de la plupart des petites exploitations agricoles n'est pas connu, ce qui complique la tâche des entreprises qui ont pourtant des solutions répondant à ce besoin spécifique. Wefarm et le Danish Refugee Council (DRC, Conseil danois pour les réfugiés) ont récemment coopéré pour fournir des données météorologiques aux agriculteurs du Turkana, un comté du nord-ouest du Kenya, qui a récemment souffert de la sécheresse et de la famine. Il s’agissait malheureusement d’informations générales à l’échelle du comté, moins pertinentes pour les différentes exploitations. En revanche, si les petits agriculteurs partageaient leur géolocalisation exacte, des entreprises comme Wefarm pourraient leur offrir des services plus personnalisés qui les aideraient à mieux faire face aux chocs climatiques.
Ce ne sont là que quelques exemples. Les possibilités d'améliorer le secteur agricole grâce aux données partagées par les agriculteurs eux-mêmes sont infinies et essentielles pour une véritable transformation de l’agriculture. Mais il faut pour cela que les entreprises de technologie agricole soient prêtes non seulement à proposer des méthodes intelligentes pour inciter les agriculteurs à partager leurs données, mais aussi à collaborer avec eux afin que des accords appropriés sur le partage des données puissent être conclus entre les agriculteurs et les fournisseurs de services.