Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

La souveraineté alimentaire aide à redistribuer les dynamiques du pouvoir

Opinion

 

La souveraineté alimentaire est une campagne politique qui vise à améliorer le pouvoir de décision des populations locales et leur contrôle sur leurs systèmes alimentaires.

Ces systèmes englobent l’approvisionnement alimentaire régional, les services écosystémiques et le patrimoine bioculturel, la réglementation relative à la commercialisation et à la distribution ainsi que la politique alimentaire et nutritionnelle. Pour leurs défenseurs, les politiques de soutien à la souveraineté alimentaire – comme les marchés négociés, le commerce équitable, la production alimentaire agroécologique et le soutien aux femmes, aux jeunes et aux nouveaux acteurs du secteur de l’agriculture – offriront de réelles possibilités de développer des systèmes alimentaires plus durables, à partir de la base.

Il convient toutefois de bien comprendre que le concept de souveraineté alimentaire n’est pas uneapproche d'autosuffisance alimentaire “anti-commerciale” (préconisant que chaque région ou nation produise seule toute la nourriture dont elle a besoin et qu’elle ne participe à aucun réseau commercial). Pendant des millénaires, les denrées alimentaires ont fait l’objet d’un commerce fructueux, entre zones rurales et urbaines, entre communautés autochtones, en tant que mode de gouvernance, et entre régions et nations – des échanges fondés sur des intérêts et des avantages mutuels. Mais la violence continue aussi de régir parfois les échanges de produits alimentaires. C’est le cas lorsqu’ils sont utilisés comme une arme en temps de guerre ou de colonisation. Ces échanges profitent alors aux détenteurs du pouvoir politique et économique.

En résumé, le mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire a pour objectif principal de modifier la dynamique du pouvoir sur ces relations commerciales et de production – autrement dit : qui a le pouvoir de décision, qui en profite et qui se trouve lésé. C’est à ce niveau que les premières opportunités se font jour.

Le mouvement pour la souveraineté alimentaire est né au début des années 1990, sous la forme d’une coalition internationale d'organisations agraires, autochtones, de femmes et de pêcheurs. Il affirme que la libéralisation des marchés, la déréglementation et les coupes dans les aides publiques à la diversification des systèmes agricoles au niveau des économies régionales (mais à d’autres niveaux aussi) ont eu un coût social et environnemental élevé. Malgré une production alimentaire mondiale record et des investissements publics et privés dans toute une série de nouvelles technologies agricoles, plus de 800 millions de personnes souffrent toujours de la faim. Quant aux niveaux de dégradation environnementale et de détresse sociale – conséquence de l’industrialisation des systèmes agricoles –, jamais ils n’ont été aussi élevés.

Influencer les politiques alimentaires

Les politiques fondées sur les principes de la souveraineté alimentaire – équité, autonomisation, viabilité écologique – visent à soutenir la diversification du système alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs, tout en facilitant l’accès des consommateurs à des aliments sains, abordables et respectueux de la culture. Un bon exemple est celui de la plateforme brésilienne Fome Zero (Faim Zéro) pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Cette plateforme promeut un arsenal de politiques qui inclut toute une série d’aides sociales, agricoles et économiques à l’agriculture durable, par exemple l’offre d’un prix plus élevé pour les aliments produits écologiquement et destinés aux institutions publiques, notamment dans le cadre des programmes nationaux de distribution de repas scolaires. Les agriculteurs estiment que cette mesure incitative leur offre une excellente occasion de diversifier leurs systèmes agricoles et de réduire leurs risques économiques, tout en améliorant la performance environnementale de leurs exploitations. L’initiative Fome Zero fournit un soutien aux femmes et aux jeunes agripreneurs pour les aider à développer des activités à valeur ajoutée et à améliorer les revenus familiaux, tout en participant à une plus grande disponibilité des produits alimentaires locaux sur les marchés régionaux. Les coûts liés à la mise en œuvre de ces programmes sont largement compensés par leurs avantages, en termes de développement économique local et de protection de la capacité agricole future pour la sécurité alimentaire.

Partout dans le monde, de nouveaux réseaux de la société civile voient le jour avec pour objectif de concevoir et de mettre en œuvre des systèmes alimentaires à partir de la base. Des conseils de politique alimentaire ont également été mis en place en collaboration avec les gouvernements locaux et nationaux, dans les grandes villes comme dans les petites villes. Leur objectif ? Soutenir l’agriculture urbaine et les marchés alimentaires locaux, mais aussi nouer des liens avec les mouvements agraires régionaux et les communautés autochtones afin de développer, en coopération avec ceux-ci, un système alimentaire qui profite aussi bien aux producteurs qu’aux consommateurs. En partenariat avec les communautés autochtones et les agriculteurs, des groupes environnementaux s’emploient par ailleurs à protéger de précieuses terres agricoles contre l’extraction des ressources. L’on voit ainsi que les principes de la souveraineté alimentaire sont désormais institutionnalisés et intégrés dans les politiques, les programmes et même les constitutions. Cela offre de nouvelles possibilités de participation des citoyens à la réalisation des objectifs de souveraineté alimentaire.