L’agriculture, un secteur clé pour le développement socio-économique et la sécurité alimentaire et nutritionnelle, est confrontée à de nombreuses difficultés. Ces défis offrent cependant aussi la possibilité d’améliorer durablement la productivité agricole et, partant, la sécurité alimentaire mondiale. Il y a donc lieu de les relever.
Ces défis incluent : l’augmentation/la modification de la demande alimentaire ; la rareté des ressources naturelles ; les risques pour la sûreté des aliments (aflatoxines, pollution de l’eau/du sol et zoonoses) ; et les changements climatiques, qui rendent les cultures plus vulnérables aux maladies et aux ennemis des cultures. Pour relever ces défis, il faudra sans doute faire des compromis difficiles entre l’augmentation de la productivité, le renforcement de la résistance face aux risques et autres chocs climatiques, et enfin la réduction des conséquences négatives de l’agriculture sur l’environnement.
S’il y a lieu surtout d’augmenter les rendements agricoles dans certaines régions, d’autres contextes nécessitent avant tout une réaffectation des terres pour améliorer la conservation des espèces sauvages apparentées, le stockage du carbone, la protection contre les inondations, etc. Il faut donc diversifier les systèmes de culture – c’est-à-dire cultiver différentes plantes/céréales et/ou privilégier différentes variétés de cultures – et introduire des pratiques respectueuses de l’environnement qui tiennent compte du site et du contexte. L’une de ces pratiques écologiques est le maintien de zones fauniques pour la conservation des espèces sauvages apparentées. Ces espèces sauvages apparentées sont en effet des sources de diversité génétique, puisque leur domestication et leur évolution permettent d’obtenir différentes variétés. Même en l’absence de processus de domestication, les espèces sauvages apparentées sont une source importante de gènes pour la sélection de variétés résistantes. L’on ne peut donc ignorer l’importance de la conservation.
La diversification agricole présente de nombreux avantages comme la fourniture de services écosystémiques (environnementaux), la lutte contre les ravageurs et les maladies, l’amélioration de la fertilité des sols, la lutte contre l’érosion des sols, etc.
Résistance aux ravageurs et aux maladies
L’utilisation de pesticides sur des variétés résistantes aux ravageurs n’améliore la productivité qu’à court terme, car les ravageurs et les agents pathogènes surmontent les gènes résistants lorsque ces variétés améliorées sont cultivées sur de grandes étendues. À long terme, la perte de la diversité des espèces et de leur variation génétique peut avoir un coût élevé, tant pour la société que pour les agriculteurs concernés. La diversité génétique des espèces cultivées permet de lutter efficacement contre les ravageurs et les maladies au sein des exploitations et de prévenir les risques pour la sûreté alimentaire découlant de l’utilisation de pesticides.
Les niveaux de susceptibilité et de résistance aux ravageurs et aux maladies diffèrent en fonction des variétés cultivées. Dès lors, plus le nombre de variétés cultivées dans une exploitation augmente, plus les niveaux moyens de dommages aux cultures provoqués par les maladies et les ravageurs diminuent. La diminution de ces dommages causés aux cultures est fonction de la répartition des différentes variétés, qui doit être uniforme. La méthode de culture – monoculture ou culture de différentes variétés – joue donc un rôle important. La monoculture facilite la propagation, la multiplication et l’évolution des ravageurs et des maladies sur les terres cultivées, en raison de l’uniformité génétique des cultures. La famine de la pomme de terre qui a frappé l’Irlande au milieu du XIXesiècle montre bien comment l’uniformité génétique (liée à la monoculture) peut être à l’origine de pertes de récoltes dévastatrices. Pour réduire le risque d’épidémies, il y a donc lieu de semer différentes variétés dans les exploitations agricoles.
La polyculture – le fait d’intercaler des plantes résistantes entre des plantes sensibles aux ravageurs/maladies afin de ralentir la propagation de ces derniers – aide à minimaliser les pertes de rendement dues aux épidémies. Cette méthode a été utilisée avec succès dans la lutte contre les maladies et les parasites et a permis de protéger plusieurs cultures, parmi lesquelles le blé, le haricot et le riz, grâce à l’efficacité de l’effet tampon contre les dommages. Elle permet par ailleurs d’augmenter les rendements. Le pourcentage de variétés résistantes et leur distribution influencent le degré d’efficacité de la polyculture.
L’intérêt de la diversification
Certains pensent que la diversification des variétés de cultures est une pratique traditionnelle dépassée, qui ne convient qu’aux agriculteurs pauvres des pays en développement. Ce n’est absolument pas le cas. Différentes variétés sont cultivées dans près de 50 % des champs de blé d’Europe et des rizières de Chine. Certains arguments s’opposent toutefois au recours à la diversité génétique des cultures, par exemple le fait que la culture de plusieurs variétés sur une même parcelle n’est pas toujours compatible avec l’utilisation de matériel agricole moderne ou encore que la période de maturité, les caractéristiques de croissance ou encore le temps de cuisson peuvent différer d’une variété à l’autre, ce qui nécessitera des pratiques de culture, de récolte, de commercialisation et de cuisson différentes et incompatibles.
S’il est nécessaire de lutter contre ces préjugés, il y a lieu aussi de réaliser davantage d’études sur l’adéquation des techniques de diversification des cultures aux différents contextes – et d’examiner en particulier la compatibilité des espèces et des variétés, les pratiques de gestion et les superficies les plus appropriées pour un rendement optimal.