La plupart des pays en développement comptent de moins en moins de services publics de vulgarisation en raison de la pénurie de personnel qualifié sur le terrain et de leurs compétences limitées, ainsi que du manque de financements. Cette situation restreint l’accès des petits producteurs aux technologies et services agricoles. En revanche, la numérisation connaît une croissance rapide : dans les pays en développement, plus de 80 % de la population a accès à un téléphone basique et plus de la moitié dispose d’une connexion à Internet. Grâce aux plateformes numériques, les petits exploitants ont accès aux informations et services agricoles plus rapidement, plus efficacement et de façon plus abordable que par le passé, lorsqu’ils devaient se déplacer en personne. À titre d’exemple, les SMS fournissent des informations de façon systématique, dans un format simple, sur tous les appareils mobiles et dans la langue maternelle des agriculteurs.
Afin de faciliter la transition vers des pratiques d’agriculture intelligente face au climat (AIC) plus durables dans les pays en développement, les chercheurs et les acteurs du développement s’appuient sur les progrès numériques afin de concevoir toute une panoplie d’outils. Ces outils visent à favoriser l’adoption à grande échelle de l’AIC afin d’améliorer la productivité, l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques.
Ainsi, le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) a développé Geofarmer, une application mobile qui permet d’enregistrer les agriculteurs, de recueillir des données démographiques et géospatiales, et de contrôler l’adoption des pratiques d’AIC. L’application établit également une communication bidirectionnelle en temps quasi réel entre les experts agricoles et les agriculteurs. Cet outil, dont la conception est simple, est doté de fonctionnalités conviviales qui permettent de pallier le faible niveau de culture numérique qui caractérise souvent les zones rurales.
Le CIAT développe également l’approche 5Q, qui permet des échanges efficaces entre les acteurs de l’AIC et les agriculteurs. Cette approche utilise la technologie de réponse vocale interactive (RVI) à intervalles réguliers tout au long d’un projet d’AIC, en posant un ensemble de cinq questions“intelligentes”sur une pratique ou une technologie particulière dans un lieu géographique donné. Les responsables de la mise en œuvre du projet reçoivent un retour rapide sur les connaissances, l’attitude et les compétences des bénéficiaires relatives à la pratique/compétence concernée. De plus, les agriculteurs peuvent faire des commentaires tout au long du projet, ce qui permet non seulement de mieux comprendre leurs besoins, mais aussi de leur proposer des solutions. En intégrant les technologies numériques, l’approche 5Q constitue une solution rapide, conviviale et rentable que l’on ne retrouve pas dans les méthodes traditionnelles de suivi, d’évaluation et d’apprentissage.
La vulgarisation numérique peut certes toucher un nombre considérable d’agriculteurs, mais elle ne se traduit pas automatiquement par une plus forte incidence sur l’exploitation. Le Rapport sur la numérisation de l’agriculture africainepublié cette année par le CTA et Dalberg montre en effet que les solutions numériques offertes aux petits exploitants agricoles ne sont pas toujours exploitées à une fréquence élevée et dans la durée. Les approches numériques restent limitées par le manque d’infrastructures et de services actuellement disponibles dans les régions en développement, ainsi que par les faibles niveaux d’alphabétisation numérique.
Le CIAT a tenu compte de ces réalités lors de l’élaboration de ses outils numériques d’AIC. Pour relever le défi de l’analphabétisme numérique, par exemple, l’équipe a mis au point une approche 5Q à deux niveaux qui permet une utilisation facilitée de l’outil et qui offre un accès direct à l’utilisateur. Concernant Geofarmer, une fonctionnalité hors ligne a été développée afin de résoudre le problème de la mauvaise couverture cellulaire.
Mise à l’échelle des outils numériques d’AIC
Dans la pratique, les caractéristiques du processus d’adoption des technologies numériques d’AIC seront semblables à celles d’autres solutions agricoles. Dans un premier temps, il s’agira de sensibiliser les agriculteurs à une nouvelle technologie, puis de la tester et de décider de la nécessité de l’adopter progressivement ou non. Des investissements seront donc nécessaires pour faire en sorte que les agriculteurs se fient à l’outil et pour établir une collaboration à long terme avec eux. L’une des approches efficaces adoptées par le CIAT consiste à travailler avec des institutions et des individus jouissant d’une bonne réputation au sein des communautés locales afin de codévelopper, tester et mettre en œuvre ces outils. Il s’agit notamment de représentants agricoles issus de divers ministères au niveau local et d’agents de vulgarisation agricole.
Les fournisseurs de solutions numériques d’AIC doivent également se doter de mécanismes de formation et permettre aux agriculteurs de partager leurs expériences, entre eux et avec d’autres acteurs, relatives à l’utilisation des outils numériques. Nous constatons que le développement de nombreux outils numériques d’AIC est souvent soutenu par des projets à court terme – compromettant ainsi la capacité d’intégrer des processus itératifs dans la conception, le développement, la mise à l’essai et la mise en œuvre des outils avec les agriculteurs.