Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Finance agricole : faut–il réhabiliter les taux bonifiés ?

Opinion

 

Dans la ligne du « changement de paradigme » de la finance rurale des années 1980, les bailleurs de fonds ont modifié leur approche en matière de financement agricole, abandonnant notamment la bonification des taux.

Cependant, force est de constater que la mise en œuvre du nouveau paradigme a résulté pour l’agriculture en une chute drastique de l’offre de crédit. La bonification faisait partie des outils de l’ancien paradigme mais est-elle la cause de ses dérives ? Peut-elle être revisitée pour contribuer à améliorer l’accès au crédit des agriculteurs ? Quelles sont les conditions d’une utilisation saine ? Ces questions ont fait l'objet d'une recherche qui a donné lieu à la publication d'un ouvrage publié par l'AFD intitulé "Crédit agricole : que penser de la bonification des taux d'intérêt ?" La question est complexe et la réponse dépend à la fois de l’environnement et des modalités de mise en œuvre.

La bonification des taux fait partie des instruments utilisés largement à travers le monde depuis le début du XXe siècle pour développer l’agriculture, notamment par de grands pays agricoles comme la France, les États-Unis ou le Brésil. Dans ces pays, elle a été un outil majeur du développement de l’agriculture et de son financement, contribuant à l’accompagnement de la modernisation et de l’intensification. Les mesures complémentaires (formation des agriculteurs, infrastructures rurales…) sont indissociables de ce succès. Elle a aussi été un facteur important du développement du marché de la finance agricole. Elle a néanmoins parfois eu des effets pervers (surendettement, favorisation des grosses exploitations aux dépens des petites structures familiales) et s’est avérée très coûteuse et difficile à contrôler.

La bonification reste un outil intéressant de soutien à l’agriculture à partir du moment où i/ le contexte est favorable ou rendu favorable par des mesures d’accompagnement, ii/ le dispositif, les cibles, les conditions des prêts sont correctement pensés.

La bonification doit faire partie d’un dispositif cohérent, global et de long terme de soutien public. Elle s’appuie sur le système financier et requiert qu’il fonctionne suffisamment bien et comprenne au moins un intermédiaire financier (IF) de qualité susceptible de distribuer le crédit bonifié. À défaut, la création d’un tel intermédiaire est un préalable.

Le dispositif de bonification doit reposer sur la sélection ouverte d’IF de qualité. Ceux-ci doivent prendre leur décision d’octroi de crédit de façon indépendante, en assumant au moins partiellement le risque. Le volume total de l'intervention doit être proportionné au besoin du marché et à la capacité des IF partenaires. La pertinence du dispositif doit être évaluée régulièrement, et le suivi et la gestion être rigoureux pour éviter les distorsions par rapport aux objectifs, d’où la nécessité d’un dispositif de contrôle défini de façon à limiter ses coûts. La stratégie de sortie doit être prévue dès la mise en place de l’intervention et communiquée largement : elle impacte les conditions des prêts. Le ciblage de la bonification en termes d’objet et de bénéficiaires est un élément clé d’efficacité.

Enfin, les mesures d’accompagnement sont indispensables, aux différents niveaux de l’intervention : bénéficiaires finaux, IF, communication, environnement de l’agriculture.