Le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) confirme sa fermeture pour la fin 2020.

Favoriser une agriculture durable fondée sur l’énergie propre en Afrique

Opinion

 

L’accès à des énergies renouvelables fiables et à un coût abordable est un moteur et un vecteur de l’amélioration de la productivité agricole et de la performance globale des chaînes de valeur agricoles en Afrique. Avec un déficit énergétique de 300 GW à combler d’ici 2030, une grande partie de la population africaine continue à souffrir de pauvreté énergétique. Pourtant, ce continent est l’une des régions du monde les mieux dotées en la matière, puisqu’il peut s’appuyer sur deux sources majeures d’énergie renouvelable : le soleil et le vent. La géothermie et l’hydroélectricité sont évidemment d’autres précieuses sources d’énergie, mais elles nécessitent des investissements financiers plus importants pour mettre en place les infrastructures nécessaires à leur exploitation.

L’énergie propre à un coût abordable peut être employée dans différents domaines des chaînes de valeur agricoles, parmi lesquels : l’irrigation des cultures, notamment via des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte ; l’alimentation de petites machines agricoles automatisées à énergie solaire, comme des petites moissonneuses-batteuses fonctionnant à l’énergie solaire pour la récolte du soja ; enfin, la transformation après la récolte et le lancement d’initiatives dans la chaîne du froid. Le rôle reconnu que joue l’énergie propre en tant que moteur et vecteur important du développement, ainsi que la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD)expliquent pourquoi le secteur du développement privilégie avant tout l’expansion des ressources énergétiques durables en Afrique.

Les investissements dans le développement des énergies renouvelables font partie des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, ainsi que des objectifs des contributions déterminées au niveau national des plans d'action pour le climat de la plupart des pays africains. Il convient toutefois de noter qu’environ 48 % de la population africaine – 1,2 milliard de personnes selon les estimations – n’ont pas accès à de l’énergie propre. En d’autres termes, les plus démunis n’ont pas accès à ce type d’énergie. Il est donc nécessaire de prendre rapidement des mesures draconiennes si l’Afrique entend concrétiser les aspirations de l’Agenda 2063 en matière de développement et atteindre les ODD. Les investissements dans les énergies renouvelables devraient se concentrer sur l’agriculture, qui constitue le fondement du développement économique et social de l’Afrique, ainsi que du bien-être général de la population.

Harmoniser les politiques relatives aux énergies renouvelables

Plusieurs pays africains, tels que l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Maroc et le Kenya, investissent depuis un certain temps dans des centrales géothermiques, hydrauliques, solaires et éoliennes de grande ampleur. Certains de ces investissements s’étendent sur plus de 30 ans. Pourtant, l’accès à l’énergie propre reste limité, surtout pour les communautés rurales et les habitants pauvres des zones urbaines informelles. Cette situation est imputable à de nombreux facteurs. L’un de ces facteurs est l’incohérence entre les différentes politiques énergétiques, qui empêche d’assurer un transport et une distribution fluides de l’énergie propre dans les pays africains. Une harmonisation des politiques permettrait de standardiser les infrastructures de transport, la puissance nominale des équipements et les tarifs afin de faciliter l’accès à l’énergie propre dans l’ensemble du continent. Une telle évolution serait particulièrement bénéfique pour les acteurs des chaînes de valeur agricoles, comme les communautés paysannes.

Intensifier les investissements dans l’approvisionnement hors réseau

L’accès des zones rurales isolées à une énergie propre, fiable et à coût abordable peut transformer radicalement la production agricole et stimuler les investissements dans la création de valeur ajoutée et la commercialisation. L’Afrique dépend toujours de l’agriculture pluviale. Cela est problématique, car les régimes de précipitations sont de moins en moins prévisibles à cause du changement climatique. Les agriculteurs devraient par exemple être encouragés à investir dans la construction de bassins sur leurs terrains, afin de recueillir les eaux de pluie et de les utiliser ensuite au moyen de pompes solaires pour pratiquer une irrigation goutte-à-goutte. Ce type de système d’irrigation favorise la mise en culture tout au long de l’année et la production de bétail et de volaille en bonne santé, tout en soutenant les activités d’apiculture, en particulier dans les régions arides et semi-arides.

Le fait d’encourager les jeunes à se lancer dans l’industrie agroalimentaire à travers des programmes de promotion des micro-, petites et moyennes entreprises pourrait non seulement créer des emplois pour et par les jeunes, mais aussi promouvoir la diversification et l’intensification de la productivité agricole. Cette diversification et cette intensification sont nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique. Toutefois, l’accès limité à une énergie propre et fiable peut entraver une telle évolution. Par exemple, les denrées périssables comme les légumes et les fruits, qui sont indispensables à la sécurité nutritionnelle, ne peuvent être produites de manière économique en l’absence d’énergie propre et fiable pour préserver la qualité des produits pendant leur transport jusqu’aux marchés.

Renforcer les capacités pour stimuler le développement de l’énergie propre

L’Afrique est toujours un importateur net d’innovations et de technologies dans le domaine de l’énergie propre. Les panneaux solaires, les systèmes d’éclairage, les panneaux pour chambres froides et les équipements de réfrigération sont tous importés. De plus, les services d’entretien pour ce type de technologies sont limités, surtout dans les zones rurales. Afin de garantir la disponibilité de techniciens en nombre suffisant pour assurer l’installation et l’entretien des centrales utilisant des sources d’énergie renouvelable, comme les systèmes qui fonctionnent à l’énergie solaire, les pays africains devraient procéder à des investissements de grande envergure dans le renforcement des capacités, essentiellement par l’intermédiaire d’instituts d’enseignement et de formation techniques et professionnels.

Investir dans la recherche pour générer des innovations et des technologies

L’extraordinaire capacité de l’Afrique à produire de l’énergie renouvelable ne sert à rien s’il n’y a pas, en parallèle, des investissements continus dans la recherche pour générer des technologies et des innovations qui permettront d’utiliser cette énergie propre à tous les niveaux d’investissement. Dès lors, il est avisé d’instaurer des partenariats solides entre les universités, les industries, les petits investisseurs dans l’agriculture et les consommateurs pour veiller à ce que les innovations et les technologies conçues soient pertinentes et abordables pour les utilisateurs finaux. Ces innovations et technologies devraient prendre en considération l’utilisation efficace des ressources et la facilité d’entretien, entre autres facteurs. Il existe des possibilités d’investissement à l’échelle du continent dans la recherche sur les énergies renouvelables. L’Initiative africaine pour les énergies renouvelables fournit, par exemple, une plateforme pour mettre en commun les ressources financières et les connaissances en vue de favoriser l’innovation et de permettre ainsi à l’Afrique de renforcer sa capacité interne à produire, à stocker et à utiliser des énergies renouvelables dans le domaine de l’agriculture, ainsi qu’à entretenir les installations nécessaires.

De manière générale, les énergies renouvelables et l’agriculture devraient être considérées comme des éléments indissociables du développement durable et inclusif des chaînes de valeur agricoles en Afrique. Il est crucial d’instaurer une étroite collaboration entre les instituts de recherche, les instances politiques, les entreprises et les consommateurs pour permettre à l’Afrique de réaliser pleinement son potentiel en matière d’exploitation de l’énergie propre au profit de l’amélioration de la productivité agricole.