Orge pour brassage
Dans le cadre d’un partenariat public-privé, des chercheurs éthiopiens collaborent avec des brasseries locales pour produire des variétés d’orge améliorées, réduire les importations de malt et accroître les revenus des agriculteurs.
Alors que la demande de bière ne cesse d’augmenter dans l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique, les brasseries éthiopiennes fournissent désormais des semences d’orge brassicole améliorées aux agriculteurs locaux. Geletu Tafa, qui exploite 5 hectares dans le district d’Arsi Tiyo, est l’un des 20 000 petits exploitants produisant des variétés d’orge brassicole améliorées, telles que “Traveller”, créé en France pour Heineken Éthiopie.
“Après avoir commencé à utiliser les semences Traveller, ma production est passée de 2,5-3 à 6-7 tonnes par hectare. Alors qu’une tonne de blé et d’autres variétés d’orge s’écoulait à 600 birrs il y a trois ans, je vends désormais la tonne de la nouvelle variété pour environ 1 000 birrs (soit environ 38 euros)”, explique M. Tafa.
L’orge est cultivée par environ un million de petits exploitants sur près d’un million d’hectares dans les plateaux d’Éthiopie. Cependant, bien qu’elles soient résistantes à la sécheresse et aux températures extrêmes, les variétés traditionnelles n’ont qu’un faible rendement et sont sensibles aux nuisibles et aux maladies. La demande nationale de malt pour l’industrie brassicole s’élève actuellement à 118 000 tonnes. En 2015, le pays a dépensé plus de 33 millions d’euros pour l’importation de 63 000 tonnes de malt pour son industrie brassicole. Les deux malteries d’Éthiopie n’ont en effet la capacité de produire qu’un total de 52 000 tonnes.
“Le pays pourrait produire suffisamment d’orge brassicole pour nos brasseries et ainsi accroître les revenus des agriculteurs, mais tous les intervenants doivent collaborer”, observe le Dr Berhane Lakew, chercheur principal spécialisé dans l’orge au Holleta Agricultural Research Center de l’Institut de recherche agricole éthiopien (EIAR, Ethiopian Institute of Agricultural Research).
Depuis 2011, l’EIAR collabore avec quatre brasseries et l’Assela Malt Factory dans le cadre d’un partenariat public-privé visant à améliorer les variétés de semences d’orge brassicole. Une nouvelle variété mise sur le marché fin 2016 – Singitan – est résistante à la mouche des pousses, un nuisible majeur en Éthiopie qui peut causer des pertes totales lors des courtes saisons des pluies. La variété améliorée a aussi un meilleur rendement (jusqu’à 4,1 tonnes par hectare) et présente de bonnes qualités pour la fabrication du malt – notamment une bonne teneur en protéines. Parmi les variétés précédemment mises sur le marché, citons HB 1963 et HB 1964, dont le rendement peut aller jusqu’à 6 tonnes par hectare, et qui sont également excellentes pour la fabrication du malt. Elles sont donc intéressantes pour l’industrie du maltage et ont une valeur ajoutée démontrée pour les agriculteurs locaux.
“En finançant la fourniture de variétés de semences améliorées à travers des bureaux agricoles régionaux, nous travaillons avec quelque 46 000 petits exploitants de la région d’Amhara, qui livrent leurs récoltes à la Gondar Malt Factory”, indique Abreham Zerihun, responsable RP de Dashen Breweries. “Nous avons ainsi réduit la quantité de malt à importer et améliorons les revenus des agriculteurs.”
Andualem Sisay Gesesse