Les fonds de garantie de prêts peuvent être des outils très utiles pour aider les petits exploitants à accéder au financement. Mais, il convient avant tout d’appliquer ce modèle à bon escient.
Les fonds de garantie de prêts sont utilisés depuis près d’un siècle pour aider les agriculteurs. Ils favorisent l’accès au financement pour les emprunteurs qui ne disposent pas de garantie ou de garanties suffisantes. Il existe des milliers d’outils de ce genre dans le monde, dans divers secteurs. Bien que ces fonds ne soient pas toujours mis en œuvre efficacement, ils ont toujours bonne presse. De nouveaux fonds spécialement conçus pour le secteur agricole se créent régulièrement, avec la volonté de tirer les enseignements des erreurs de leurs prédécesseurs.
L’idée de base derrière ces fonds de garantie est bien d’encourager les organismes de prêt à financer des emprunteurs réputés à haut risque. En effet, une entité de garantie – généralement créée par un gouvernement ou un bailleur voire, parfois, une entreprise du secteur privé – s’engage à garantir le remboursement d’un pourcentage de l’emprunt en cas de défaut de paiement de l’emprunteur. Concrètement, cette entité se porte garante au nom de l’emprunteur. Dans le cadre des systèmes de distribution (voir encadré), le garant participe également à la sélection des emprunteurs et à l’évaluation de leur solvabilité afin d’améliorer la probabilité que les emprunts soient remboursés sans que le fonds doive dédommager le créancier.
En partageant et en atténuant les risques associés aux prêts pour des secteurs ou des groupes spécifiques d’emprunteurs, les fonds de garantie peuvent aider les organismes de financement à prêter davantage à ces derniers, et parfois à des taux d’intérêt moins élevés que ceux habituellement appliqués. Ce financement peut s’avérer essentiel pour qu’agriculteurs et agripreneurs de petite et de moyenne tailles puissent investir et développer leurs activités alors qu’ils sont souvent incapables d’emprunter à un taux abordable, voire tout simplement d’obtenir un prêt.
Les fonds de garantie sont cependant rarement la solution idéale. Selon des études du Fonds international pour le développement agricole (FIDA – voir ses documents en anglais : Loan Guarantee Funds; How To Do ; Lessons Learned series), les coûts élevés des emprunts et les défauts de paiement persistent. Au final, rares sont les emprunteurs qui réussissent à obtenir un prêt non garanti. Bon nombre de ces systèmes ne sont pas durables en raison du déséquilibre entre le montant des coûts administratifs, très élevé, et les montants nets versés aux prêteurs. Néanmoins, la communauté du développement reste convaincue que le modèle présente de réels avantages et que les nouveaux systèmes seront ajustés pour mieux soutenir l’agriculture.
Contrôle des coûts
Le Smallholder Farmers Credit Guarantee Scheme (SCGS) de Tanzanie, dont la création a été annoncée par la Tanzania Agricultural Development Bank en mars 2018, pourrait bien résoudre certaines de ces difficultés. La banque sollicite actuellement des institutions financières pour qu’elles deviennent des partenaires prêteurs. Grâce à ce fonds, les banques commerciales pourront exiger une garantie couvrant 50 % de tous les emprunts non remboursés pour des prêts allant jusqu’à 5 millions de shillings tanzaniens (1 867 euros) par agriculteur et 500 millions TSh (186 794 euros) pour les organisations de petits exploitants.
Bien que le fonds ne soit pas encore testé, le montant de la garantie est conforme aux recommandations de Calvin Miller, consultant indépendant et ancien directeur de la FAO en charge de l’industrie agricole et du financement. En effet, selon lui, les systèmes devraient garantir aux alentours de 50 % du montant emprunté et jamais plus de 70 %. Au-delà de cette limite, “le coût devient très élevé”, remarque-t-il. De plus, cela incite les banques à prêter à des secteurs plus risqués, ce qu’elles ne font pas si elles n’assument presque aucun risque.
Créé en 1977 au Nigeria, l’ACGSF (Agricultural Credit Guarantee Scheme Fund) a permis de tirer de précieux enseignements sur cette question. Géré par la Banque centrale du Nigeria, c’est l’un des plus anciens fonds de garantie de prêts dans un pays en développement, mais également le plus cher, car il garantit 75 % du capital principal en cas de défaut de paiement et subventionne généreusement les taux d’intérêt. Les coûts administratifs et de fonctionnement sont également énormes. De plus, souligne Calvin Miller, même si les analystes de la FAO indiquent que les bénéficiaires du système voient effectivement leurs revenus augmenter par rapport à ceux des autres agriculteurs du pays, le modèle de l’ACGSF ne serait pas durable dans un pays aux recettes publiques moindres.
Plusieurs fonds de garantie des pays de l’Europe de l’Est, comme la Fondation pour le développement rural d’Estonie, constituent également de bons modèles de gestion des coûts et de gouvernance pour les systèmes de garantie dans les pays ACP. La fondation garantit jusqu’à 80 % des prêts, mais ce taux reflète l’environnement inhabituel dans lequel elle opère. En effet, les banques estoniennes exigent souvent des garanties de plus de 120 % de la valeur des prêts. Par ailleurs, sa petite taille facilite le contrôle des coûts. “Je suis vraiment un partisan de ces systèmes”, explique Calvin Miller. “Ils sont très simples, ils sont durables et ils fonctionnement comme un centre de profit à proprement parler.”
Gouvernance et gestion
Une gestion et une gouvernance professionnelles et transparentes constituent un autre facteur clé de succès. Fort de son expérience avec les banques de garantie allemandes, qui ont contribué à aider le secteur des micro-, petites et moyennes entreprises (MPME) à devenir une force économique majeure, Michael Hamp, conseiller senior pour le financement rural à la FIDA, est favorable au concept de fonds de garantie, mais uniquement si les systèmes sont “correctement institutionnalisés”. Pour lui, il est essentiel qu’un partenaire de développement solide participe à l’évaluation et à la mise en œuvre initiales d’un tel système. Dans le cas contraire, “la tendance sera à la mise en œuvre d’une approche descendante et à la conception de la solution en amont, avant même de comprendre en quoi consiste exactement le problème de développement à régler”.
L’Agence danoise de développement international (DANIDA) a créé le Fonds africain de garantie (FAG) en 2011, avec la Banque africaine de développement et l’Agence espagnole pour la coopération au développement internationale (AECID). Michael Hamp est persuadé qu’ils enregistrent l’un des meilleurs résultats en termes de soutien aux fonds de garantie. Depuis son lancement, le FAG a signé des conventions de garantie à hauteur de presque 783 millions de dollars US (667 millions d’euros) avec 125 institutions financières dans 38 pays africains. Récemment, un accord a été conclu avec l’agence néerlandaise Oikocredit. Elle a annoncé en janvier 2018 qu’elle allait bénéficier d’une garantie de 8,5 millions d’euros sur une période de 10 ans dans le cadre du mécanisme de garantie verte du FAG, afin de soutenir les institutions de microfinance, l’agriculture et les PME du secteur des énergies renouvelables en Afrique subsaharienne.
La gestion indépendante de fonds peut également améliorer la transparence et contribuer à lutter contre l’ingérence politique qui, étant donné que les pouvoirs publics soutiennent fréquemment ces fonds de garantie, peut poser problème. Il peut en outre être judicieux de recruter des fournisseurs externes afin d’aider le personnel du fonds en lui offrant une assistance technique, de l’évaluation des prêts à la mise au point des produits.
Calvin Miller ajoute que la gestion d’un fonds doit aussi inclure la surveillance rigoureuse des prêts garantis et prévoir une double évaluation – immédiate et en cas de défaut de paiement – afin de gérer les risques et de garantir des remboursements rapides. Les retards dans le paiement des traites aux institutions financières sont “le meilleur moyen de tuer un fonds de garantie”, affirme-t-il. “On peut subventionner beaucoup de choses, mais la lenteur à rembourser réduira à néant tous les autres avantages.”
Une approche diversifiée (au niveau du secteur, du type de prêt et, si possible, du pays ou de la région) est également essentielle au succès des fonds de garantie. La gestion doit permettre de ne pas concentrer excessivement les risques sur un secteur, un prêteur ou, dans la mesure du possible, un pays ou une région.
Périodes de crise
Malgré tous leurs défauts, les fonds de garantie sont des outils indispensables pour inciter les banques à prêter et à continuer en période de crise comme après la crise. Kristian Schach Moller, PDG de l’Agricultural Commodity Exchange for Africa (ACE), appelle toutes les organisations qui cherchent, par exemple, à mettre au point un système de financement sur récépissés d’entrepôt à coopérer d’emblée avec des acteurs du développement et les pouvoirs publics pour créer un fonds de garantie ou pour collaborer avec un tel fonds. L’ACE est souvent salué comme un modèle précurseur pour d’autres pays africains. Toutefois, les banques privées qui fournissent des financements pour ce système ont perdu de l’argent en 2016 lorsque le marché a été saturé d’importations de maïs et de pois, ce qui a entraîné l’effondrement des prix locaux. Kristian Schach Moller explique que les banques qui se sont brûlé les doigts à cause de cette volatilité des prix sont à présent réticentes à prêter pour des produits entreposés au Malawi. Si l’ACE a à présent pour projet de mettre au point un fonds qui supporterait le premier choc en cas de pertes bancaires futures liées à la volatilité des prix, Kristian Schach Moller est convaincu qu’il faudra du temps pour regagner la confiance des banques. Il aurait été bien plus simple de mettre en place un tel fonds dès le départ. “Lorsqu’une banque subit ce type d’événement extrême, elle s’en souvient longtemps et il est difficile de la convaincre de se lancer de nouveau”, souligne-t-il.
Il conclut que les fonds de garantie de prêts ne constituent pas une solution miracle. Toutefois, s’ils sont mis en œuvre de manière judicieuse, ils peuvent être des “outils très puissants”.”
Comment fonctionnent les fonds de garantie
Les fonds de garantie de prêt permettent de réduire le risque d’exposition des institutions financières lorsqu’elles prêtent à des emprunteurs considérés à haut risque, par exemple lorsqu’ils ne sont pas propriétaires fonciers ou immobiliers ou qu’ils ne disposent d’aucune autre garantie. Généralement, un garant – souvent soutenu par un gouvernement ou un bailleur de fonds – s’engage à verser à un prêteur un pourcentage ou “première perte” du montant prêté en cas de défaut de paiement de l’emprunteur. Pour les fonds agricoles, le prêteur peut également être un acteur de la chaîne de valeur, un négociant notamment, alors que l’emprunteur peut être un agriculteur ou une organisation agricole. En vertu d’un tel système de “distribution” (qui s’applique à la plupart des fonds agricoles), le fonds est activement impliqué dans l’analyse et l’évaluation des emprunteurs. La gestion du fonds coûte dès lors plus cher qu’un système “complet”, où le prêteur a davantage d’autonomie. Les deux modèles prévoient que la garantie fournie est exécutable par voie légale.