To ensure improved operations of a smallholder tea company in Uganda, and boost yields for farmers, an innovative garden geo-referencing project is working to gather local data.
Un projet innovant de géoréférencement des plantations recueille des données locales pour améliorer les opérations d'une petite entreprise ougandaise de thé et les rendements des planteurs.
Dans le sud-ouest de l'Ouganda, où la culture du thé est le pivot de l'économie locale, Igara Growers Tea Factory Ltd (IGTF) garantit tout au long de l’année des débouchés à quelque 7 000 petits producteurs, parmi lesquels 20 % de femmes. L'usine reçoit jusqu'à 250 tonnes de feuilles fraîches par jour, à partir desquelles elle produit 50 tonnes de thé. IGTF a ainsi créé 700 emplois locaux sur ses deux sites.
Pour obtenir des rendements et des revenus élevés grâce à la production de feuilles de thé, les agriculteurs ont besoin d'intrants – tels que les engrais et les semences – et d'un paiement régulier par les usines locales qu’ils approvisionnent. Faute de revenus réguliers, des dizaines de milliers de petits exploitants agricoles doivent souvent vendre leurs produits au plus offrant. Cette démarche non seulement les expose au risque d’exploitation par les intermédiaires, mais peut aussi ne pas leur assurer des revenus suffisants pour se procurer des intrants pour la prochaine saison de plantation.
Néanmoins, depuis la création d’IGTF en 1995, les producteurs de thé qui vendent leurs feuilles à l’entreprise peuvent recevoir des intrants à crédit, qu’ils remboursent plus tard. Toutefois, les problèmes se sont accumulés à mesure que le nombre de producteurs d’IGTF augmentait. Faute de bien tenir les registres, l’entreprise ne connaissait pas le nombre exact de producteurs de thé avec qui elle travaillait et ne pouvait donc pas tenir la comptabilité de tous les intrants distribués. En outre, des membres de la famille des producteurs enregistraient souvent les mêmes plantations sous des noms différents et en revendiquaient la propriété pour recevoir également les intrants. “Nous n'avions pas de registres précis sur la propriété et l’emplacement des plantations de thé, un vrai problème. Qui travaillait pour nous ? Nous n’en étions pas sûrs. Nous en avons conclu que nous devions renforcer notre base de données”, explique Onesimus Matsiko, directeur général d'IGTF.
En outre, vu la très forte demande de feuilles de thé non traitées côté acheteurs, les producteurs, attirés par des prix plus élevés, vendaient parfois à la concurrence, après avoir reçu les intrants d'IGTF. Ils cessaient alors de rembourser à IGTF les prêts d’intrants. Le problème de défaut de paiement était tel que la dette accumulée d’IGTF s’est élevée jusqu’à 214 000 euros, un montant équivalent à celui des achats d’intrants nécessaires pour approvisionner les agriculteurs pendant toute une saison.
Le profilage des agriculteurs et ses multiples avantages
En 2017, IGTF a bénéficié d’un financement du CTA qui lui a permis de lancer une initiative innovante et pointue de géoréférencement des plantations et de cartographie des agriculteurs. L’objectif était d’établir le profil de tous les agriculteurs fournissant les deux usines d'IGTF, ainsi que celui des exploitants qui détenaient des actions dans la société mais qui fournissaient des feuilles à d’autres usines. Des données sur l'emplacement, la taille et la productivité des plantations des membres ont ainsi été recueillies.
L’activité de profilage a commencé par la formation du personnel d'IGTF à la collecte de données à l’aide d’un logiciel SIG. Pendant cinq mois, dix “agents recenseurs”ont sillonné la région, allant d’une exploitation à l’autre pour rassembler des informations essentielles à l’aide d'ordinateurs portables, d'appareils GPS et de tablettes. Chaque agent visitait jusqu’à huit agriculteurs par jour. Au terme de cet exercice, les agents avaient recueilli des informations sur la taille et l'emplacement des exploitations agricoles, mais aussi une série de données détaillées, notamment sur les autres sources de revenus des agriculteurs, l’âge des plantations, les méthodes de récolte et les causes des mauvaises récoltes. “Ce profilage a été l’un des exercices les plus complexes que nous ayons jamais réalisés et sa réussite s’explique en partie par le fait que les agents recenseurs sont parvenus à terminer leur travail un mois avant la date prévue. Pour l’heure, nous avons réussi à établir le profil d'environ 4 500 agriculteurs et à cartographier environ 5 200 exploitations”,explique Hamlus Owoyesiga, administrateur réseau et systèmes d’IGTF.
L’initiative a également bénéficié de l’utilisation de drones, dans le cadre du projet Eyes in the Sky du CTA. Cette technologie a permis d’identifier et d’arpenter avec précision les terres non cultivées et les zones non entièrement plantées de théiers. Les données recueillies ont permis à IGTF de connaître le nombre exact d'agriculteurs avec lesquels elle travaille, ainsi que la taille de leur exploitation. Elle peut donc s’assurer que chaque agriculteur reçoit bien les bonnes quantités d’engrais. Ces informations l’ont également aidée à identifier les problèmes des agriculteurs en termes d'augmentation de leur productivité. Des interventions utiles ont ainsi pu être mises en œuvre, par exemple la formation d’agriculteurs.
Grâce à ces profils d’agriculteurs et à l’exactitude de ces données, IGTF peut à présent fournir des intrants ainsi que des conseils pour l’amélioration des pratiques agricoles et l'accès aux facilités de crédit à un plus grand nombre d'agriculteurs, et ce dans un court laps de temps. Elle a également réduit le gaspillage d'intrants – ce qui se produisait lorsque des quantités trop importantes étaient fournies – et limité le risque que certains agriculteurs profitent du système, car les données relatives à chaque agriculteur sont sauvegardées dans son système de données. Entre septembre 2017 – lorsqu’elle a commencé à distribuer de l’engrais aux agriculteurs juste après l’introduction du profilage – et janvier 2018, IGTF a pu récupérer 90 % du coût du crédit aux agriculteurs. Le nombre d'agriculteurs qui approvisionnent l'entreprise a aussi considérablement augmenté depuis le début de l'initiative, passant de 2 900 en août 2017 à 3 400 à la fin novembre 2017. Ils sont 7 000 aujourd’hui.
Les agriculteurs ont accueilli favorablement le projet, et indiqué qu’ils parviennent désormais à augmenter leurs rendements, grâce à la distribution d’intrants en quantités suffisantes et en temps opportun. “Le profilage a rétabli la confiance des agriculteurs dans l’entreprise et a renforcé leur identité en tant qu’actionnaires. Beaucoup d'exploitants partis à la concurrence ces dernières années ont ainsi décidé de revenir vers IGTF”, indique Hamlus Owoyesiga.
“Je possède 3,5 hectares et je sais maintenant exactement quelle quantité d'engrais je dois utiliser, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Je gaspillais généralement beaucoup d’engrais essentiels”, ajoute Shem Babushereka, un agriculteur local dont les rendements ont doublé, passant de 2 000 à 4 000 kg de feuilles par mois, grâce à une application plus précise de l'engrais.
Des crédits basés sur la régularité de l’approvisionnement
En octobre 2017, suite à l'établissement du profil des agriculteurs et de la disponibilité de données sur la taille de leur exploitation et le volume de production, le projet a créé la Coopérative d’épargne et de crédit (COOPEC) des producteurs de thé d’Igara-Buhweju, avec l’objectif d’offrir aux agriculteurs des services financiers et de crédit. La COOPEC surveille la quantité de feuilles produites par les agriculteurs et leur accorde des facilités de crédit en fonction de la quantité et de la régularité de l’approvisionnement. La COOPEC pratique des taux d'intérêt inférieurs à ceux des banques commerciales et les délais de demande ainsi que les procédures ont été réduits, ce qui a séduit de nombreux membres potentiels. Au cours de la première semaine après le lancement de ses activités, en octobre 2017, plus de 200 agriculteurs ont ouvert un compte auprès de la COOPEC. Les agriculteurs peuvent également obtenir un paiement anticipé en cas d'urgence, sur présentation du reçu de leur dernière livraison à l’usine.
“Nous savons que nous pouvons nous fier aux données recueillies au cours de l'exercice de profilage, par exemple sur la taille et l'emplacement des plantations. Nous pouvons ainsi évaluer plus facilement la solvabilité des agriculteurs qui viennent solliciter un prêt”, explique Lillian Nuwagaba, directrice générale de la COOPEC. “Aujourd'hui, les agriculteurs reçoivent plus facilement des engrais et des crédits, qu’ils s’adressent à nous ou aux banques, car les informations enregistrées dans leur profil peuvent servir de garantie”, ajoute OnesimusMatsiko.
Le projet envisage à présent de recourir davantage aux drones en s’associant à des organismes d’analyse de données, comme Airinov en France. L’objectif de ces partenariats est d’introduire des systèmes permettant l’épandage précis d’azote et d’engrais sur les cultures, et d’identifier les plants qui doivent être remplacés afin d’augmenter les rendements. IGTF espère également collaborer avec d'autres usines de thé d’Ouganda et diffuser ainsi à plus grande échelle les techniques de profilage et de géocartographie pour améliorer la productivité des petits producteurs de thé. Rappelons que le gouvernement ougandais a identifié le thé comme étant une culture stratégique pour promouvoir les exportations.
Un “passeport numérique” pour le café grâce au profilage des petits producteurs
L’intérêt croissant des marchés d’exportation pour le café ougandais est l’aboutissement des efforts et du dynamisme de l’Union nationale de l'agrobusiness et des entreprises agricoles de café d’Ouganda (NUCAFE), qui œuvre au renforcement de la chaîne de valeur des produits de base. La NUCAFE encourage les agriculteurs et les coopératives de producteurs à améliorer les rendements et à accroître ainsi les recettes d’exportation du pays.
La NUCAFE compte environ 1,5 million d'agriculteurs membres organisés en 210 coopératives qui possèdent, en moyenne, 0,2 hectare de terres. Elle éprouvait toutefois des difficultés à vendre le café sur des marchés d’exportation clés, comme l’UE et le Moyen-Orient, dont les acheteurs exigent de plus en plus de données sur l’origine et les conditions de culture.
Pour faire face à ces exigences, la NUCAFE a mis en place en 2017 un système de traçabilité du café lui permettant de cartographier les caféiers et les exploitations de ses membres. “Grâce à l'utilisation de la technologie, la NUCAFE a créé un ‘passeport’ numérique qui prouve l'authenticité et l'origine du café que nous exportons. Nous pouvons ainsi présenter un registre de traçabilité vérifiable du café que nous vendons”, explique Joseph Nkandu, directeur exécutif de la NUCAFE.
Le système de traçabilité est une base de données dans laquelle sont téléchargées toute une série d’informations et de données sur les producteurs, telles que le type de café qu’ils cultivent, les intrants qu'ils utilisent et ce que leur rapporte la vente de café. Un profil est ainsi généré pour chaque membre. La NUCAFE utilise également des drones pour géolocaliser et recenser les plantations de café de chacun des membres et identifier les zones où la productivité pourrait être améliorée. Ces innovations ont facilité la certification des agriculteurs, par exemple l’indication géographique, et ont permis aux producteurs d'exporter vers de nouveaux marchés, notamment le Japon et la Corée du Sud.
Grâce à cette initiative de profilage, de nouveaux producteurs et associations, qui désirent également améliorer leurs rendements et leurs chances de certification en vue de l’accès à de nouveaux marchés, ont rejoint la NUCAFE. C’est le cas par exemple de l’association des producteurs de café biologique de Bufumbo, qui a décidé d’adhérer à la NUCAFE et d'utiliser la base de données de profils. Elle a aussi demandé la certification biologique et UTZ – un programme et un label d’agriculture durable. L'association a reçu les deux certificats et, au début de 2018, elle a conclu un accord avec l’entreprise italienne Caffe River portant sur la fourniture de 19,8 tonnes de café par an.