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Les jeunes séduits par l’agriculture grâce à la téléréalité

Dossier : Migration des jeunes

Des jeunes d’Afrique de l’Est augmentent leur production en regardant des émissions de téléréalité sur l’agriculture.

© The Mediae Company

Afrique de l’Est

En suivant et aidant des agriculteurs, des émissions de télévision diffusées au Kenya et en Tanzanie encouragent les jeunes à envisager l’agriculture comme un choix de carrière lucratif.

Comme beaucoup d’autres Africains, les jeunes Kényans ne disposent pas toujours des garanties ou connaissances financières nécessaires à la création d’entreprises agricoles. En outre, les problèmes liés au stockage, au transport et à l’accès au marché des produits agricoles, ainsi que les pertes alimentaires et le gaspillage qui en découlent, découragent davantage la jeunesse de s’impliquer dans ce secteur.

Le programme télévisuel Shamba Shape Up (SSU) a été créé il y a cinq ans pour changer la manière dont l’agriculture est perçue dans le pays et présenter l’agriculture comme une opportunité commerciale. L’émission vise à donner aux agriculteurs et auditeurs les outils nécessaires pour améliorer leurs fermes (shambas). La série aborde des problématiques comme l’infertilité des sols, les mauvaises récoltes, la santé du bétail et la diversité alimentaire, ainsi que les techniques pour optimiser la valeur nutritionnelle des légumes.

Avec neuf séries produites, SSU a touché cinq millions de personnes au Kenya. La diffusion a récemment été élargie à la Tanzanie. L’équipe de SSU, qui comprend des experts comme des vétérinaires et des spécialistes des cultures, visite une exploitation différente chaque semaine. L’équipe de tournage passe généralement quatre jours avec chaque agriculteur, ce qui lui permet de recueillir l’avis d’experts et de mettre en place les nécessaires améliorations.

Aider les jeunes pour assurer la sécurité alimentaire

Gabriel Ingubu, un agriculteur de 28 ans du comté de Bungoma, s’est lancé dans l’horticulture après avoir regardé Shamba Shape Up. “Je ne connaissais rien à la culture de la tomate, mais après avoir regardé comment fonctionne une exploitation – de la sélection des semences à la récolte en passant par la préparation des sols et la lutte contre les maladies – je suis maintenant un fermier expérimenté”, s’enthousiasme-t-il. Sur sa parcelle de 0,2 hectare, Gabriel Ingubu plante des tomates, du chou kale et d’autres légumes-feuilles verts. Cela lui rapporte environ 10 000 KSh (88 €) par semaine, assez pour subvenir aux besoins de sa famille. Il économise aussi pour s’offrir une serre, avec laquelle il augmentera sa production, afin de fournir hôtels et restaurants autour de la ville de Bungoma.

Il importe, pour la sécurité alimentaire du Kenya, d’axer les efforts sur les jeunes agriculteurs, selon Patricia Gichinga, chef de production pour The Mediae Company, qui produit le programme. “Au Kenya, la moyenne d’âge des agriculteurs approche la soixantaine. Dans beaucoup d’exploitations, moins de la moitié des terres est cultivée en raison de l’âge des fermiers et de l’énergie qu’il faut investir. Ces agriculteurs ont aussi moins tendance à innover, changer de pratiques ou de comportement ou utiliser les TIC pour communiquer”, constate-t-elle. “Parallèlement, il y a énormément de jeunes pour lesquels l’accès à des terres cultivables est difficile car les parents hésitent à céder des parcelles à des enfants à cause des traditions ou conflits d’héritage”, poursuit Patricia Gichinga. “Grâce à SSU, nous touchons deux millions de ménages au Kenya et estimons qu’environ deux personnes par foyer regardent nos émissions. De plus, 34 % de ces auditeurs sont des jeunes de 18 à 30 ans [d’après les données de Geopoll]. En Tanzanie notre audience atteint trois millions de personnes.”

De nombreux agriculteurs ont obtenu des réponses à leurs questions en regardant l’émission grâce à un service d’information agricole reposant sur la téléphonie mobile appelé iShamba, développé aussi par The Mediae Company. iShamba fonctionne depuis 2015 et emploie 12 jeunes experts agronomes de l’Université Jomo Kenyatta, formés à la rédaction d’informations agricoles pour appareils mobiles. Le service compte actuellement 270 000 adhérents, dont 44 % de femmes.

Une nouvelle émission : “Don’t Lose the Plot”

Pour favoriser davantage l’engagement des jeunes dans des activités agricoles, l’équipe de production de SSU a lancé en mars 2017 une nouvelle émission de téléréalité appelée Don’t Lose the Plot (Ne perdez pas vos terres, ou Ne perdez pas les pédales). Financée par le programme Feed the Future de l’USAID, cette émission, conçue en collaboration avec Africa Lead, vise à encourager les jeunes à considérer l’agriculture comme un choix de carrière lucratif, tout en les informant sur la marche à suivre pour démarrer une agroentreprise et partager des informations agronomiques utiles. Dans le cadre du programme, diffusé au Kenya et en Tanzanie entre mai et juillet 2017, des parcelles de 0,4 hectare ont été proposées à quatre jeunes agriculteurs des deux pays, avec l’objectif d’en faire des fermes prospères et profitables en neuf mois. Le gagnant reçoit 8 960 € utilisables sur sa propre exploitation.

En Tanzanie, Winrose Kaya a gagné après avoir collaboré avec les experts de l’émission pour diviser sa parcelle en plusieurs parties. Elle a planté des cultures à maturité rapide – oignons, pommes de terre, coriandre, choux et épinards – et élevé 500 poulets. Après le concours, ses parents lui ont offert une parcelle de 0,5 ha, reconnaissant ses compétences agricoles et sa capacité à réaliser des bénéfices. L’émission a été regardée par 4,1 millions de jeunes dans les deux pays.

Pendant la diffusion de Don’t Lose the Plot, The Mediae Company a créé Budget Mkononi, un outil web interactif aidant les jeunes agriculteurs à calculer les coûts d’intrants pour une culture donnée et les bénéfices réalisables sur une courte période. Près de 25 000 jeunes utilisent actuellement cet outil pour démarrer des projets agricoles et en obtenir des bénéfices maximaux. “Au début, je n’ai pas réalisé que je pouvais changer les prix pour qu’ils correspondent à ma situation. Je trouve que l’outil est utile et qu’il m’aidera à planifier mes dépenses”, déclare Janet Oloo, l’une des jeunes bénéficiaires kényanes. Gregory Mutisya, lui aussi kényan, estime que le service de gestion budgétaire gratuit l’a beaucoup aidé à prendre des décisions éclairées, et lui a permis d’obtenir les bénéfices envisagés pour sa ferme maraîchère.